Histoire de la Maison de l'Inspir : "de Fleur de Cactus à la Maison de l'Inspir"
De “Fleur de Cactus” à la “Maison de ‘Inspir”
Ecrit par Mr Duc
Que d’événements heureux se sont déroulés cet été de 2014 à la Maison de l’Inspir !
D’abord, c’est l’aménagement de la nouvelle terrasse devant notre salle à manger. La sangha monastique de la Maison de l’Inspir a profité de la présence des Frères et Sœurs, qui sont venus du Village des Pruniers afin de demander un visa pour aller au Canada. Elle leur a proposé de remplacer les vieilles palettes de l’ancienne terrasse par des pavés auto-bloquants. En très peu de temps, ils l’ont transformée en une très belle terrasse. Les pratiquants vietnamiens et français ont été présents, très nombreux, le dimanche 31/08/2014 pour leur prêter main forte. A les voir travailler, on aurait dit des fourmis qui transportent des provisions jusqu’à leur nid pour bien passer l’hiver. De grands sacs de sable et de gravier sont très vite déplacés. Un tas colossal de pavés, qui passent de main en main, disparaît en peu de temps. C'est une journée pleine de rire, de fraternité et de joie. Le travail prend fin avant la tombée de la nuit grâce aux efforts conjugués des deux sanghas monastique et laïque.
C’est pourquoi, le lendemain 01/09/2014, Sœur Phùng Nghiêm a préparé un petit gâteau pour couronner la fin des travaux et pour remercier les Frères et Sœurs du Village. Cet évènement heureux a été marqué dans un texte en vietnamien dont le titre est “Mừng sinh nhật chiếc sân gạch” signifiant “Heureux de fêter l’anniversaire d’une nouvelle terrasse en pavés auto-bloquants!”
A vue d’œil, notre maison s’embellit de jour en jour. En outre, on verra bientôt construire derrière la maison un nouveau petit chalet. Et de même que la maison principale, ce chalet disposera également d’une terrasse.
Si la Maison de l’Inspir, progresse sûrement et lentement comme la “tortue” dans la course avec le “lièvre” dans la Fable de La Fontaine, c’est grâce à la bonne gestion de Sœur Giác Nghiêm, secondée par les Grandes Sœurs Đào Nghiêm, Gia Nghiêm et les Petites Sœurs Phùng Nghiêm, Cảnh Nghiêm, Vịnh Nghiêm, Tráng Nghiêm. Maintenant notre maison peut s’envoler de ses propres ailes. Elle doit son autonomie à l’argent provenant des retraites organisées par les Sœurs au centre HTN, hors du centre et des dons de la sangha laïque.
Puis un autre évènement qui n’est pas moins important, c’est l’anniversaire de Sœur Giác Nghiêm en ce mois de Septembre 2014. Cette fête, les Sœurs du centre et quelques amis laïcs l’ont célébrée le soir du 17/09/2014. Nous regrettons de ne pas pouvoir y participer.
Enfin la retraite des jeunes du 06/09/2014 au 09/09/2014, qui est la 4ème retraite organisée par nos Sœurs, a reçu beaucoup de succès grâce à leur expérience et en partie à la nouvelle grande tente offerte par la sangha vietnamienne car elle contribue à améliorer le confort de l’accueil de cette année. Cette retraite sera suivie par celle des “moins jeunes” qui aura lieu le 3 et 4 Octobre 2014.
Pour commémorer tous ces évènements heureux, je les incorpore dans l’histoire de la Maison de l’Inspir, telle que je l’ai vécue en tant que membre de sa sangha dès les premières heures. C’est aussi un cadeau d’anniversaire que je voudrais offrir à Sœur Giác Nghiêm pour ses 71 ans.
En effet, Thầy a acheté notre maison le 03/09/1985 et lui a donné le nom de Fleur de Cactus (Hoa Xương Rồng) dont la plante, très résistante, supporte mieux que les autres plantes le manque d’eau et les variations de température.
Cette maison a été cherchée et trouvée par les deux anciens membres de l’Inter-Être, Chân Thể et Chân Quán (la mère et la fille) et leurs amis
Chân Thể et Chân Quán ont été les premières personnes ayant reçu les 14 entraînements, en France, avec Thầy. Elles l’ont quitté, quelques années plus tard, pour s’installer au Vietnam.
Notre ancienne maison avait cinq pièces dont trois en bas et deux en haut, construite sur un très grand terrain qu’il fallait aménager en centre de méditation, de manière à pouvoir accueillir de nombreuses personnes.
C’est pourquoi Thầy a organisé un grand festival artistique « Planète Verte » (Đại Hội Hành Tinh Xanh) où il donnait un enseignement sur la protection de notre Terre-Mère. La cantatrice Hà Thanh, décédée au début de cette année, est venue exprès des États Unis pour interpréter des poèmes de Thầy mis en musique. De nombreux artistes et pratiquants ont contribué à la réussite de ce festival dont le but était de récolter des fonds destinés à l’aménagement de cette maison.
Toutefois, le projet d’aménagement a considérablement tardé à décoller car notre maison, située à moins de 500 mètres d’un monument historique - la Nymphée 10 Allée de la Grotte, nécessitait un avis favorable des Architectes des bâtiments de France. En outre nos voisins, qui ne nous ont pas encore connus assez, s’opposaient à l’installation d’un centre méditation près de chez eux.
L’argent récolté de ce festival aurait été dépensé après, dans diverses activités du Village, durant la période d’attente de plus de vingt ans, ainsi que l’argent réservé à la construction de la pagode Chùa Một Cột (pagode au pilier unique) au Village, sur l’ordre de Thầy, pour aider les victimes des intempéries au centre du Vietnam.
À son retour au Village, Thầy a proposé à Frère Giác Thanh d’être le responsable de notre maison. Celui-ci a ainsi organisé des Journées de Pleine Conscience dès son arrivée sur place, mais très peu de gens sont venus y assister. J’ai lui ai proposé de demander aux pratiquants de faire la publicité de notre maison. Il m’a répliqué ceci : « Hữu xạ tự nhiên hương », équivalant en français au proverbe « Bon vin, point d’enseigne ».
Heureusement, la classe de vietnamien dont Chân Phong et Vũ (CCLS) étaient responsables était déjà en activité au centre. Les parents et élèves de cette classe qui s’ajoutaient au petit nombre de pratiquants contribuaient à augmenter l’effectif. Nous avons participé les trois premières années à cette classe puis faute de temps, nous l’avons quittée pour nous consacrer entièrement à la sangha vietnamophone tandis que Minh Tri s’occupait de la sangha francophone.
Fleur de Cactus n’était occupé que les dimanches : le 2ème du mois était consacré à la sangha française, le dernier à la sangha vietnamienne et les autres dimanches, à la classe de vietnamien.
Quelque temps après, Frère Giác Thanh, atteint depuis longtemps de diabète, a dû retourner au Village pour se faire soigner. La maison était presque abandonnée, quelques amis,Vũ (CCLS) et ma famille avons dû nous en occuper.
Un jour, Thầy est venu à Fleur de Cactus avec Sœur Chân Không. Quand il nous a vus, il a fait un signe de la main pour inciter Quỳnh Lan à venir lui tenir compagnie dans la petite tente qu’il avait montée dans le jardin. La fillette était alors âgée de trois ans mais elle avait déjà une mémoire formidable car elle retenait tout ce qu’on lui avait appris. Thầy et Quỳnh Lan ont déclamé ensemble, à tour de rôle, des poèmes de Thầy et d’autres poètes. La tente s’est remplie d’amour, de joie et de bonheur. Cette image reste gravée à jamais dans ma mémoire.
À midi, au déjeuner, j’ai eu le privilège d’être assis à côté de Thầy. Il m’a lui-même servi de la nourriture avec ses baguettes. C’étaient, pour moi, des baguettes magiques qui ont transformé cette simple nourriture en nourriture royale, très délicieuse. Il suffit d’en goûter une fois et on ne l’oublie jamais !
Ce soir-là, les pratiquants étaient venus nombreux et quelqu’un a demandé à Thầy de changer le nom de la maison car pour lui, l’ancien nom ne nous apportait pas de chance. Thầy a jeté un coup d’œil vers mes deux filles, en suggérant qu’il y avait déjà deux petites mignonnes fleurs ici (Quỳnh Hương et Quỳnh Lan), pourquoi aller en chercher ailleurs ? Dès lors, notre centre a porté le nouveau nom de « Hoa Quỳnh » (une variété de cactus qu'on connaît en France sous le nom de “berceau de Moïse” ou “fleur de lune”).
Comme Fleur de Cactus était construit sur un terrain glissant, les murs de la maison se sont fissurés quelques années après. Minh Tri a réussi faire jouer l’assurance, et à obtenir le remboursement de la réparation des dégâts, mais la maison réparée n’a pas tenu très longtemps et on a dû la quitter, car elle ne convenait plus aux normes de sécurité. Dès lors, Minh Tri est partie avec la sangha francophone à Evry chez les "Soeurs de Notre Dame de Sion", nous avons proposé à la sangha vietnamophone de se réunir chez nous à Aulnay-Sous-Bois. Quant à la classe de vietnamien, elle s’est interrompue, n’ayant pas trouvé de local pour continuer.
Voyant la maison dans cet état de ruine, Sœur Chân Không et quelques pratiquants ont voulu la vendre pour en chercher une autre plus confortable ailleurs.
Thầy s’est fortement opposé à cette idée car il aimait bien cet endroit près de la Marne où il pouvait faire tranquillement la marche méditative. De plus, elle occupe une place très favorable à ses divers déplacements en Belgique, en Allemagne, en Italie ou en Espagne, où il donne des enseignements. D’ailleurs, elle est non loin de l’aéroport CDG, ce qui permet à Thầy et aux Frères et Soeurs de faire une escale à notre maison avant d’aller au USA ou à d’autres pays hors de l’Europe.
Il a fallu attendre un “Anathapindika” (Cấp Cô Độc) américain qui a fait un don de 600.000 dollars US pour avoir de l’argent nécessaire à la reconstruction de la maison car elle devait être détruite. Nous avons pu finalement obtenir l’autorisation, après tant de péripéties, de reconstruire une autre à sa place. C’est ainsi que “la Maison de l’Inspir” ( Hơi Thở Nhẹ) est née. Apparemment, Fleur de Cactus et Fleur de Lune ont l’air de disparaître pour toujours mais en réalité ces deux fleurs se manifestent, de nouveau, sous une seule forme, “la Maison de l’Inspir”.
Pour s’occuper de cette maison reconstruite, la sangha du Village a demandé le 18/02/2008 à Sœur Giác Nghiêm de succéder au Frère Giác Thanh décédé. Ainsi elle est devenue la deuxième responsable de notre centre de méditation que Thầy est venu bénir et inaugurer peu de temps après. Pour l’aider, au début, dans la gestion de ce centre, deux Sœurs et trois Frères sont venus du Village la seconder. Les trois derniers retourneraient au Village quelques années après quand le centre fonctionnait mieux et devenait le centre pour les moniales.
Au fil des années, le Village s’est très vite agrandi, accueillant des Occidentaux qui s’intéressaient de plus en plus à l’enseignement de Thầy, ce dernier ayant donné un nouveau souffle à leur vie spirituelle. Parallèlement, de nombreux monastiques arrivaient du Vietnam pour aller s’intégrer à la sangha du Village des Pruniers. Comme ces moines asiatiques ne parlaient aucun mot français, il fallait quelqu’un pour leur servir de guide lorsqu’ils débarquaient en France, les amenant des terminaux de l’aéroport à la gare SNCF ou vice-versa. D’habitude, Cao Thái (le grand frère de Sœur Chân Không) se chargeait avec moi de ce travail, mais depuis qu’il s’est marié à Saigon, il ne revenait plus en France. La tâche m’incombait, à moi tout seul et j’ai dû appeler quelques amis à mon secours.
Il m’est arrivé de me rendre à l’aéroport CDG à 22h30, pour aller chercher des bagages des Frères du Village. En effet, ces derniers avaient largement dépassé le nombre de kilos autorisés, ils avaient dû téléphoner partout sans recevoir de réponse positive, et ont enfin pensé à moi comme dernier recours ! Eh bien, au lieu de m’énerver, je faisais la respiration consciente et le problème était résolu.
Lorsque nos monastiques ont été chassés du centre de méditation “Bát Nhã”( prajñā), ils se dispersaient partout au Vietnam. Toutefois, il y en avait qui réussissaient à obtenir le visa d’aller en France. C’était pour moi tout le bonheur d’accueillir les premiers arrivés à l’aéroport CDG, ma femme sautait de joie, abandonnant tout ce qu’elle devait faire à la maison, pour les accompagner jusqu’au Village.
Depuis que Air France et Vietnam Airlines coopèrent étroitement. Pour aller au Village des Pruniers depuis l’étranger, il suffit d’acheter des billets d’avion à destination de Bordeaux, car ce billet d’avion coûte à présent moins cher que la somme que représentent le billet d’avion jusqu’à Paris et le billet de train jusqu’à Bordeaux. Ainsi, la plupart de Frères et Sœurs vont directement, par avion sans prendre le train, à Bordeaux. Le Village requiert moins ma présence qu’avant pour aider les monastiques à faire la correspondance.
Par conséquent, mon travail s’est allégé et j’ai pensé à créer une classe de français, avec l’accord de Sœur Giác Nghiêm, afin d’aider les petites sœurs vietnamiennes à mieux communiquer avec la plupart des pratiquants parisiens qui ne savent pas parler l’anglais. Cette classe marchait bien grâce à la collaboration de Ngọc Anh (CCLSa) et de J.Pierre (CLT). Avec le temps, les petites Sœurs ont fait beaucoup de progrès dans cette langue de Molière. Maintenant Sœur Phùng Nghiêm et Sœur Cảnh Nghiêm peuvent s’exprimer assez couramment en français.
Dans un an, en 2015, notre maison, la Maison de l’Inspir, aura trente ans. Elle a traversé tant de vicissitudes. Elle a changé trois fois de nom: Hoa Xương Rồng, Hoa Quỳnh et Hơi Thở Nhẹ. Elle a été achetée pour devenir un centre de méditation qu’on n’a pas pu faire à cause des difficultés administratives. Elle a été occupée seulement les dimanches pendant de nombreuses années, puis abandonnée, détruite et reconstruite comme elle est maintenant, en bonne et due forme. Elle ressemble au roseau dans la fable de La Fontaine, “elle plie et ne rompt pas”. Il en est de même pour notre sangha, dispersée avant, réunie à présent, plus forte que jamais. Les membres de la sangha laïque, qui ont reçu les cinq entraînements, augmentent rapidement ainsi que les membres de l’Inter-Être parmi lesquels cinq ont reçu “La Lampe transmise par Thầy”. Plusieurs générations figurent dans la pyramide des âges chez les monastiques comme chez les laïcs; le problème de la succession ne se pose pas dans notre centre.
L’image qui me revient souvent à l’esprit, c’est celle du repas formel où une communauté multi ethnique composée de Français, de Vietnamiens, de Laotiens, d’Anglais, d’Africains… mange en pleine conscience. Tout le monde se partage d’une nourriture provenant de plusieurs cultures, originale, variée, préparée avec beaucoup d’amour et de soin, très appréciée par les deux sanghas monastique et laïque. Nous mangeons à la fois avec la bouche et le cœur, nourris ainsi corps et âme. Une atmosphère de compréhension mutuelle, de paix et de sérénité se manifeste tout le long du repas qui se termine par les remerciements très touchants de Sœur Giác Nghiêm et les invocations des noms de divers Bouddhas dans le but d’envoyer de l’énergie apaisante aux personnes souffrantes, mourantes ou décédées, les proches ou amis des monastiques ou des laïcs.
Que c’est très beau à voir, un tel repas ! Je souhaite qu’on puisse servir le même repas partout où existent les rivalités ethniques ou religieuses.
Chân Linh Nhĩ