Retraite d'hiver chez soi 2018-2019
Deuxième message de la Retraite d'hiver chez soi
Chères amies, chers amis,
nous sommes heureux de vous retrouver pour ce deuxième message de la retraite d'hiver à la maison.
Nos messages cette année s'appuieront beaucoup sur les enseignements de Thay pendant la retraite de trois semaines, au mois de juin 2014 ; aujourd'hui c'est l'enseignement du 3 juin 2014 qui va nous guider. Vous pouvez l'entendre, nos soeurs l'ont mis sur le blog le 23 novembre, merci à elles ! Merci à elles pour les photos de l'ouverture de la retraite à Verdelot, merci à elles de mettre cette retraite de juin 2014 au coeur de notre retraite actuelle.
Nous sommes presque en hiver, et nous écoutons Thay qui parle au mois de juin ; il parle au début de l'été, dans l'exubérance des jardins fleuris, et nous l'écoutons au début de l'hiver, avec les arbres qui perdent leurs feuilles, et les fleurs qui se font rares. C'est beau, cette rencontre de l'hiver et de l'été.
Cet enseignement du 3 juin 2014, qui guide notre message d'aujourd'hui, est le premier de la retraite de trois semaines ; Thay dit que c'est une introduction à cette retraite, et qu'il va redire des choses que nous connaissons déjà "mais nous devons les répéter ; par exemple quand nous prenons l'avion, on nous répète toujours les consignes de s'attacher, et donc pour pouvoir bien profiter de la retraite nous devons attacher notre ceinture."
Décidément oui, c'est bien un voyage cette retraite ! Et Thay va nous donner les consignes de sécurité ; et comme en avion ce sont des consignes importantes, notre vie peut en dépendre.
"La pratique de la pleine conscience peut nous aider à générer un sentiment de joie, un sentiment de bonheur, à n'importe quel moment que nous le souhaitons : c'est possible"
Générer un sentiment de joie, l'art du bonheur
C’est le sujet de tout le début de l'enseignement, et à de nombreuses reprises Thay répète (en souriant) que c'est possible, que c'est facile, que c'est très simple...
Ce n'est pas toujours notre impression, n'est-ce pas, cette facilité, cette simplicité. Quelquefois cela nous paraît impossible d'être heureux. Est-ce que nous nous compliquerions la vie ?
Quelquefois oui, certainement. Mais quelquefois nous traversons des épreuves tellement difficiles, comment imaginer pouvoir alors être heureux ? "Générer un sentiment de bonheur à n'importe quel moment que nous le souhaitons" ? est-ce réaliste ? (1)
Pour commencer il s'agit d'être attentif à notre inspiration "cela peut prendre deux ou trois secondes, et pendant que vous êtes avec votre inspiration, vous retournez à la maison en vous-même [...] une inspiration est assez pour ramener votre esprit à la maison de votre corps, et quand votre esprit et votre corps sont ensemble, alors vous êtes établi dans l'ici et vous êtes pleinement présent."
Il s'agit d'un voyage, mais d'un voyage intérieur. Il suffit d'une inspiration, une seule.
Revenir, sur une inspiration, à l'intérieur, là où nous avons peur souvent de nous tenir.
Et ainsi revenu, ainsi réuni, ainsi établi, ainsi présent "vous commencez à découvrir qu'il y a tant de merveilles de la vie qui sont disponibles, en vous, et autour de vous.[...] nous sommes dans le Royaume de Dieu, dans la terre pure du Bouddha, et une inspiration a suffi [...] il a suffi d'une inspiration, faite en pleine conscience."
UNE PRATIQUE QUE NOUS POURRIONS FAIRE, APRES NOUS ETRE AINSI POSES DANS NOTRE INSPIRATION
Comme le propose Thay dans la suite de cet enseignement, prendre une feuille de papier, et faire la liste de toutes les conditions de bonheur que nous avons déjà :
"Nous avons de nombreuses conditions de bonheur en nous, et autour de nous, beaucoup plus que ce dont nous avons besoin pour être heureux [...] et si nous ne sommes pas heureux c'est parce que nous ne sommes pas en pleine conscience".
Donc, écrire avec soin tout ce qui nous rend heureux dans notre vie… Nous pouvons écrire aussi nos bonheurs du passé, qui nous ont construits, tissés.
Regardons bien, et respirons quand nous sentons que notre regard devient moins attentif.
Attention, il faut préparer un bloc de papier, d'après Thay dix pages n'y suffiront pas !
Ce sentiment de bonheur que nous avons fait naître par une inspiration attentive, et un regard limpide sur les conditions de bonheur qui sont les nôtres, Thay l'appelle une nourriture. Il dit que nous avons besoin de cette nourriture, et que ceux qui nous entourent en ont besoin aussi, et que nous pouvons la leur offrir.
Quand nous invitons nos amis pour un repas, pensons-nous à partager aussi, en plus des bons plats que nous avons préparés, cette nourriture-là ? ce regard posé sur les conditions de bonheur ?
Ce qui est frappant chez Thay c'est qu'il ne s'agit pas de faire la morale ; il ne s'agit pas de dire à un ami déprimé : "mais regarde, tu as tout pour être heureux ! ça n'a pas de sens de te plaindre comme tu le fais !". Il ne s'agit pas de lui faire honte ; il ne s'agit pas de balayer sa plainte.
De même d'ailleurs quand nous nous adressons à nous-même ; il ne s'agit pas de faire cette liste des conditions de bonheur qui sont les nôtres, et quand cette liste est faite, de la brandir comme un juge, en nous disant à nous-même : "tu vois, tu te rends compte, tu as tout pour être heureux, tu ne t'en étais même pas aperçu, tu es vraiment nul !" Non, il ne s'agit pas de compte à rendre, il ne s'agit pas de jugement, il s'agit de voir doucement la réalité du bonheur, sans obstacle.
Thay prend soin de préciser que cette liste, nous la faisons en nous posant dans notre inspiration ; nous ne la faisons pas avec fièvre, nous ne la faisons pas avec notre esprit seulement, nous la faisons "corps et esprit réunis" ; nous la faisons avec tendresse.
Embrasser notre souffrance, l'art de souffrir
"Quand vous retournez en vous-même à la maison, vous pouvez peut-être reconnaître qu'il y a du stress, des tensions dans votre corps, des sensations, des émotions douloureuses."
Eh oui, cette inspiration attentive qui nous permet de revenir en nous-même ('revenir à nous', pourrait-on dire, comme quand on se réveille d'un évanouissement), elle ne nous fait pas découvrir seulement les merveilles de la vie ; elle nous met aussi en contact plus direct avec nos peines.
C'est presque rassurant n'est-ce pas ; si ce n'était pas le cas, tout ce qui concerne l'art du bonheur pourrait paraître utopique.
Et que faire devant cette souffrance ?
La pratique de base, nous dit Thay, est de l'embrasser.
Par la méditation assise, par la méditation marchée, générer une grande énergie de pleine conscience (comme on voit dans les gares les petits stands où l'on peut recharger la batterie de son portable en pédalant, nous avons à recharger la batterie de notre pleine conscience par la respiration de notre méditation), et cette énergie peut alors, "tout comme une mère fait avec son enfant", embrasser notre souffrance. Embrasser, c'est le contraire d'être submergé ; embrasser, cela veut dire que la souffrance est contenue, elle n'envahit pas tout ; le bébé dans les bras de sa maman continue peut-être de souffrir, mais il est rassuré par ces bras qui ne tremblent pas, par la douceur de cette voix ; il est rassuré que sa maman soit venue ; elle aurait pu continuer à dormir, mais elle est venue, elle répond à ses pleurs, elle comprend qu'il souffre ; et elle n'en est pas complètement affolée, elle peut apporter du calme à son enfant.
Bruno Bettelheim, qui s'est beaucoup occupé d'enfants en difficulté après la seconde guerre mondiale, avait remarqué qu'après les bombardements de Londres, les enfants dont les mamans avaient paniqué sous ces bombardements, étaient beaucoup plus traumatisés que ceux dont les mamans avaient pu garder un certain calme, et rester capables de rassurer leur bébé, de leur chanter des chansons, de les entourer de douceur. Quand la vie semble autour de nous lourde de violences, la pleine conscience est comme ces mamans londoniennes sous les bombes, une instance contenante, qui nous permet de nous calmer.
UNE PRATIQUE INSPIREE PAR LE CHANT D'AVALOKITESVARA
Juste avant cet enseignement, comme à chaque début de retraite, il y a eu le chant d'Avalokitesvara chanté par la communauté et présenté par Thay;
cette présentation est toujours magnifique. Thay explique les trois temps du chant : le premier pour reconnaître notre propre souffrance, ouvrir notre coeur à cette reconnaissance de la souffrance, et à l'énergie guérissante générée par le chant et la méditation de la Sangha ; dans le deuxième temps c'est la souffrance de nos proches voisins que nous reconnaissons et confions a cette énergie de guérison . Dans le troisième temps c'est la souffrance du monde.
Quand Thay explique la façon dont la pleine conscience embrasse la souffrance, il a un très beau geste : sa main gauche devant lui fermée, et sa main droite qui s'approche de ce poing fermé, se pose, et le recouvre. Tout est dit dans ce geste.
Quand nous sentons qu'il y a une souffrance en nous qui demande à être embrassée nous pouvons visualiser ce geste dans notre méditation et peut-être le faire à notre tour : cela peut nous aider à mieux comprendre, corps et esprit réunis, le soin que notre 'maman pleine conscience' prend de notre souffrance;
et puis : quand nous vivons le moment de ce chant, ou quand nous en regardons une vidéo, nous comprenons que nous ne sommes pas seul avec notre souffrance, que nos amis prennent soin de nous, et que nous prenons soin d'eux.
Pour écouter le chant d'avalokiteshvara, cliquez ici
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Chers amis, ce message est déjà long et nous n'avons pas pu parcourir ensemble tout l'enseignement de Thay qui nous guide aujourd'hui.
Chacune, chacun, nous pourrons ré-écouter la suite grâce à nos soeurs, voir comment Thay explique le deuxième pas dans l'art de la souffrance : pas seulement l'embrasser, mais en faire bon usage, la découvrir comme un ingrédient du bonheur ; et voir aussi dans la dernière partie de l'enseignement comment il nous invite à développer notre "oeil de la non apparence", en nous exerçant par exemple à contempler une plante de maïs.
Tout à la fin, après l'enseignement, Thay dit encore quelques mots pour inviter à la méditation marchée ; ne les ratons pas ces mots-là, ils peuvent nous aider à marcher dans les rues, dans les chemins, et même dans les couloirs de métro !
Et soyons doux avec nous-même dans notre pratique ! la diligence, ça ne veut pas dire la sévérité ; si nous ne réussissons pas à réaliser tout ce que nous étions résolus à réaliser dans ce début de retraite, ne soyons pas sévères avec nous-même : ces difficultés que nous rencontrons peuvent devenir l'objet de notre pleine conscience ; "j'inspire, je vois que je suis en difficulté, j'expire, je laisse venir un sourire de compréhension et d'encouragement."
Et, avant que nous nous quittions, partageons quelques témoignages d'amis (si vous souhaitez nous envoyer les vôtres, nous serons heureux de les recevoir)
"Maintenant, ici, nous avons cette quête d'entrer dans ces moments précieux d'intériorité, en créant notre cadre [...] "Demeurer au même endroit,, c'est-à-dire le lieu de notre intériorité, notre nature profonde, et aussi, parfois, notre mère nature." [...] "En ce qui me concerne, je renouvelle mon engagement de continuer à pratiquer notre/ma Sangha pour être en paix, et transformer nos/mes souffrances et les difficultés dans notre coeur." [...]
"Voici un moment que j'apprécie et que je vous adresse : le vent qui souffle dans les arbres et fait tomber les feuilles, et qui fait dire "oh, on dirait qu'il neige des feuilles"! c'est beau ! Oui, elles sont de couleur jaune sur un tapis de feuilles jaune et rouille. merveilleux moment de bonheur dans la présence."
"Le temps automnal est comme une lumière qui s'allume pour lire et méditer !"
Bonne continuation chers amis, dans la beauté des arbres entrant doucement dans l'hiver !
(1) Générer un sentiment de bonheur, dans les pires circonstances, certains arrivent à le vivre. Ainsi Etty Hillesum, jeune femme juive qui mourra à Auschwitz en 1943. Elle écrit à une amie, depuis un camp de transit où elle vit depuis plusieurs semaines : "Oui, la détresse est grande, et pourtant il m'arrive souvent, le soir, quand le jour écoulé a sombré derrière moi dans les profondeurs, de longer d'un pas souple les barbelés, et toujours je sens monter de mon coeur -je n'y puis rien, c'est ainsi, cela vient d'une force élémentaire- la même incantation : la vie est une chose merveilleuse et grande..."
Chers amis,
la retraite d'hiver va commencer dans les monastères de Noisy et de Verdelot.
Comme l'écrivent nos sœurs sur le blog de la maison de l'inspir "c'est un moment merveilleux et très intense qui nous permet de demeurer au même endroit et de concentrer notre énergie sur notre pratique, nos études, et le vivre ensemble comme une sangha d'un même corps".
"Demeurer au même endroit"
Traditionnellement, pendant cette retraite les moniales et les moines ne quittent pas le monastère, et même leurs promenades à pied dans les environs, ont des"frontières" précises. Géographiquement, on ne s'éloigne pas, on reste centré sur le monastère et ce qui s'y passe.
"Nous devrions respecter le règlement de la retraite d'hiver, disait Thay dans son introduction à la retraite d'hiver de 2008, ne pas sortir de l'enceinte de notre centre de pratique [...] nous restons là, tranquilles, nous n'allons nulle part pendant ces trois mois."
Nous autres qui ne vivons pas dans un monastère, et qui peut-être ne pourrons pas nous rendre souvent dans celui de nos sœurs et de nos frères, comment allons-nous faire pour créer dans nos vies pendant ces trois mois ce "centre", ce "aller nulle part", ce "rester là, tranquilles" ?
Est-ce notre maison qui va devenir notre centre de pratique ? aurons-nous besoin, ou envie, d'y créer un petit espace symbolique qui représente notre désir, notre décision, de pratiquer cette retraite de trois mois ?
ou bien est-ce un lieu en dehors de chez nous qui va représenter ce "centre" ? un jardin, un parc, dans lequel nous choisirons un chemin de marche méditative, de tel arbre à tel arbre, sur lequel nous irons marcher chaque jour ? (suggestion de soeur Jina dans son orientation à la retraite de juin 2014)
ou bien une salle de méditation, une église ou un autre lieu de prière, ou tout autre lieu qui nous offre un espace de tranquillité, et dans lequel nous déciderons de nous rendre, régulièrement, pour un moment de méditation?
Quel sera notre "centre" géographique de retraite ?
Et comment ferons-nous pour "aller nulle part" en allant à notre travail, en allant retrouver des amis, en allant rejoindre nos frères et nos soeurs à Noisy ou à Verdelot ?
comment "rester là, tranquilles" dans les métro bondés, la queue des supermarchés, les rues agitées des périodes de fête1 ?
Chacune, chacun, nous allons inventer nos façons de faire pour créer comme un 'monastère intérieur' nécessaire à la pratique de cette retraite.
Créer nos "frontières", être attentifs à ce qui nous distrait, nous encombre, nous disperse, nous rend absent à nous-même et aux autres, à ce qui nous entoure.
"Concentrer notre énergie sur notre pratique, nos études, et le vivre ensemble comme une sangha d'un même corps".
"Pratiquer avec la sangha est beaucoup plus facile que de pratiquer seul [...] l'énergie collective est très utile, et quand nous nous rassemblons pour passer la retraite d'hiver, nous profitons de cette énergie." (Thay, introduction à la retraite d'hiver de 2008)
Pour nous qui nous apprêtons à vivre cette retraite d'hiver à la maison, c'est important de se rappeler cela.
Nous aurons à nourrir, d'une façon ou d'une autre, notre corps de sangha : nous relier plus vivement à nos frères et soeurs de Noisy et de Verdelot ? voir plus clairement la beauté des sanghas auxquelles nous participons tout au long de l'année ? nous réjouir de la sangha invisible des pratiquants de la retraite chez soi ? identifier des sanghas moins évidentes ? Thay dit quelquefois que des arbres font partie de sa sangha...et il y a aussi nos voisins de palier, nos familles, nos collègues : savons-nous les voir comme des compagnons de route ? des Bouddhas comme nous en devenir?
"Il faut faire en sorte que chaque instant de notre vie quotidienne pendant cette retraite devienne un instant de pratique, un moment de pratique. Nous pratiquons pour être en paix, pour être heureux, pour transformer nos souffrances, nos difficultés dans notre coeur."
" Pendant ces trois mois, il faut faire en sorte que notre vraie demeure soit ici et maintenant. Si nous prenons refuge dans la sangha pour pratiquer, si nous prenons cette retraite comme notre vraie demeure, nous serons heureux." (Thay, introduction à la retraite d'hiver de 2008)
Chers amis, dans les difficultés du monde autour de nous, pas toujours très paisible ces temps-ci, dans les difficultés que nous rencontrons peut-être dans nos vies, Thay dans ces quelques lignes, nous présente cette retraite comme une demeure, une maison où nous pouvons reprendre force et courage, mais aussi une maison que nous avons à construire, courageusement, prenant refuge dans la sangha pour pratiquer de notre mieux. Et le fruit de notre pratique,c'est le bonheur et la paix, la transformation des souffrances et des difficultés, pour nous et pour les autres.
C'est encourageant, c'est enthousiasmant, cela donne envie de se mettre en route pour ce "voyage intérieur", comme écrivent nos soeurs.
Comme vous le savez nous serons aidés et inspirés par des enseignements de Thay, de nos frères et de nos soeurs, tout au long de ces semaines.
Bon courage pour ce début de retraite, dans la beauté des arbres éblouissants de l'automne.
Dans une quinzaine de jours nous enverrons un deuxième message de retraite d'hiver chez soi, et d'ici là vous aurez peut-être vous aussi envoyé vos partages.
1La chanson "Le bonheur c'est maintenant" pourrait nous aider !
Le bonheur c'est maintenant
j'ai laissé tous mes soucis
nulle part où aller
et rien à faire
pas besoin de me presser
Le bonheur c'est maintenant
j'ai laissé tous mes soucis
quelque part où aller
quelque chose à faire
mais à présent
j'ai tout mon temps
Vous pouvez écouter la chanson en cliquant ici