Pratique de la petite cloche
Voici un transcription de la traduction d'un enseignement précieux, donné par Thay pendant la retraite de juin 2014 en Anglais sur la Pratique avec la petite cloche.
Comment inviter la cloche
Quand vous tenez la petite cloche sur la paume de votre main gauche, vous la tenez de telle sorte que le son produit par la cloche dure longtemps. Donc, nous ne devons pas la tenir comme ceci, nous devons la tenir comme cela. Et la main est le soutien, le support de la cloche. La main est comme une fleur de lotus avec 5 pétales. Et la cloche, c’est comme un joyau, un joyau dans le cœur d’une fleur de lotus. Vous visualisez votre main comme un lotus, et la cloche, la petite cloche, comme un joyau, le joyau au cœur d’une fleur de lotus. C’est le sens de OM MANI PADME, OM : MANI c’est le joyau, PADME c’est dans le lotus, PADMA c’est le lotus, PADME c’est dans le lotus.
Quand vous tenez la cloche et que vous la portez au niveau de vos yeux, vous visualisez que votre main est une fleur de lotus, la cloche est un joyau dans ce lotus. Il y a un livre écrit par un pratiquant juif dont le titre est : « Le juif dans le lotus » - c’est un jeu de mot avec « joyau », « jew ».
Le gatha
Vous voyez le lotus, le joyau, et vous commencez à respirer. Vous inspirez et vous expirez avec plaisir et vous récitez le gâthâ, le verset :
« Corps, parole et esprit en parfaite unité
J’envoie mon cœur avec le son de cette coche
Que tous ceux qui l’entendent s’éveillent de l’oubli
Et transcendent l’anxiété et la souffrance ».
C’est un verset que nous devons mémoriser. Si vous êtes enseignant du Dharma, membre de l’ordre de l’Inter-être, si vous êtes pratiquant, vous devez mémoriser ce verset, c’est de la poésie.
Produire de la paix
Avec votre inspiration, vous récitez la première ligne : « Corps, parole et esprit », c’est à dire les 3 formes d’action « sont en parfaite unité », c’est la concentration : Corps, parole et esprit, concentrés sur l’inspiration ; « Corps, parole et esprit en parfaite unité ». Et lorsque vous expirez, vous dites: « J’envoie mon cœur avec le son de cette cloche », ça n’est pas juste un son, c’est mon cœur, c’est ma concentration, ma paix.
J’ai pratiqué, j’ai invité la cloche depuis tant d’années, plus de 70 ans, et je sais maintenant comment faire. Et pendant que j’invite la cloche, je produis de la paix, de la relaxation, du bonheur, de la joie. Le simple fait d’inviter la cloche à sonner peut produire beaucoup de relaxation, de paix, de joie et de bonheur, même du Nirvana.
Donc, nous tous, nous devons nous entrainer à être maître, maîtresse de la cloche. Et il y a des jeunes qui savent comment faire ça, des enfants qui savent faire ça : « corps, parole et esprit, en parfait unité, j’envoie mon cœur avec le son de cette coche, que tous ceux qui l’entendent s’éveillent de l’oubli ».
L’oubli, c’est l’opposé de la pleine conscience. Vous vous permettez d’être emporté, le corps et l’esprit ne sont pas ensemble, vous pensez à ceci, à cela, vous êtes prisonnier du passé, du futur, de votre colère, de votre chagrin, c’est l’état de dispersion, d’oubli.
« Que tous ceux qui m’entendent s’éveillent de leur oubli et transcendent l’anxiété et la souffrance » – vous êtes pris par l’anxiété et le chagrin, vous entendez le son de la cloche et vous laissez toute cette anxiété et ce chagrin. Donc, une fois que vous avez inspiré et expiré deux fois, que vous finissez ce gâthâ, vous devenez calme et paisible et concentré, vous êtes qualifié comme maître de cloche.
Inspirer, ça prend peut-être 3 ou 4 secondes, et expirer va prendre peut-être 6 secondes, en tout 10 secondes, et 2 fois 10 secondes, ça fait 20 secondes pour que vous deveniez maître de cloche et c’est agréable à faire.
Si vous luttez, ça n’est pas correct comme pratique. Vous le faites comme un artiste, comme un pratiquant, c’est une très belle chose à faire : tenir la cloche, visualiser le lotus et le joyau, inspirer et expirer avec un poème. Vous produisez la paix et de la concentration, vous produisez la joie et le calme.
Et après cela, vous faites un demi-son. Il a la fonction d’avertir, d’informer les personnes autour de vous qu’un son entier va bientôt se produire, va bientôt arriver, et vous leur donnez 10 secondes pour qu’ils se préparent à la réception du son complet (4 secondes pour l’inspiration et 6 secondes pour l’expiration) et pendant ces 10 secondes, ils arrêtent leurs paroles, ils arrêtent leur pensées, ils ramènent leur esprit à leur corps et reçoivent le son entier.
La voix du Bouddha qui nous appelle
Le son entier de la cloche représente la voix du Bouddha à l’intérieur qui vous appelle. Le Bouddha est dans votre cœur ; la capacité de se réveiller, d’être paisible, d’être compréhensif, d’être aimant est dans votre cœur. Donc c’est la voix du Bouddha qui vous ramène à la maison, c’est le son de la cloche. C’est pour ça que, quand vous entendez le son qui vous a averti, vous savez que le Bouddha est sur le point de vous appeler. Donc, avec respect, vous cessez votre pensée, votre parole, vous inspirez 4 secondes, vous expirez, vous vous détendez, prêt à accueillir le Bouddha. Donc, le son complet de la cloche n’est rien moins que l’appel du Bouddha, l’appel de la pleine conscience, de la concentration et de la vision profonde.
Si vous êtes un bon maître de cloche, après le demi-son, le son de réveil de la cloche, vous laissez suffisamment de temps aux personnes pour se préparer à la réception du son complet. 10 secondes sont suffisantes et vous pouvez mesurer avec votre propre respiration : vous inspirez 1 2 3 4, vous expirez, 1 2 3 4 5 6. Vous pouvez utiliser les numéros 1234 ou bien vous pouvez utiliser un gâthâ : vous remplacez les numéros par des mots.
Marcher dans la terre pure
A l’ermitage, j’avais l’habitude de marcher, je marche souvent vers l’endroit où j’ai accroché mon hamac. Et sur le chemin vers mon hamac, je pratique toujours la méditation marchée, je génère la paix et la joie avec chaque pas. Et quand j’inspire, je fais 4 pas, je dis : « sur le chemin du hamac », c’est mon inspiration (« sur le chemin du hamac » ça fait 4 mots en vietnamien), et en expirant, je fais 6 pas : « chaque pas est la terre pure », ça fait 6. Donc, je n’ai pas besoin d’arriver déjà au hamac pour être heureux. Je vais être heureux ici même et maintenant même.
Donc, vous pouvez inspirer et dire « 1 2 3 4 », expirer et dire « 1 2 3 4 5 6 », et vous pouvez remplacer par des mots, et si votre langue est monosyllabique, c’est très facile. Vous pouvez le faire aussi avec de la musique. La méditation en musique et en poésie, c’est ce que nos maîtres ont fait dans le passé ; ils utilisent toujours la musique et la poésie pour pratiquer, donc c’est très agréable.
Un son profond
Après cela, vous invitez la cloche avec un son complet. La qualité du son dépend beaucoup de votre entrainement. Vous devez vous entrainer beaucoup pour produire un son qui est très agréable à entendre, et qui est suffisamment puissant mais pas violent, surtout avec le grand bol. Si c’est trop violent, alors ça peut passer dans le son et ça n’est pas agréable ; si c’est trop faible alors ça n’est pas assez profond et agréable.
Chaque matin, vous savez, je m’assoie à la cloche quand les moines et les moniales font le chant et vous m’avez entendu inviter la cloche, vous pouvez voir la qualité du son : il n’est jamais trop faible, il n’est jamais violent, il est juste. C’est juste le son qui est à la fois puissant et profond (son de cloche). Si le son est bon, alors après 3 inspirations et 3 expirations, vous pouvez encore l’entendre.
Acheter une cloche
Si vous avez décidé d’acheter une cloche, essayez-là pour être sûr qu’elle produise un beau son qui peut durer longtemps. Invitez une coche chez vous, je vous recommande de le faire. Ca peut apporter beaucoup de joie et de bonheur, de réconciliation pour vous-même et pour votre foyer, et vous devez vous arranger pour avoir un espace, une pièce dans la maison où la cloche peut s’asseoir.
La cloche est un Bodhisattva. La présence de la cloche dans la maison est très utile, elle aide beaucoup. C’est pourquoi avant d’inviter la cloche à sonner, on ne dit pas « frapper la cloche » ou « battre la cloche », on dit « inviter la cloche à sonner », parce que la cloche est un ami, un Bodhisattva qui nous aide à revenir à nous-même, à nous réjouir de ce moment présent.
Ecouter la cloche
Lorsque vous entendez le son complet, vous commencez à inspirer et à expirer avec le gâthâ : « j’écoute, j’écoute » (4, 5 ou 6 secondes, ça dépend), et quand vous expirez, vous récitez : « ce son merveilleux me ramène à ma vraie demeure ». Ma vraie demeure est située ici et maintenant, là où je peux rencontrer mon corps de Dieu, mon corps cosmique, ma nature de non-naissance et de non-mort. Rentrez chez vous, la pratique c’est de toujours rentrer chez nous, la vie est présente ici et maintenant, c’est ça notre vraie demeure. Votre demeure, ça n’est pas Amsterdam, Boston ou New York, Kuala Lumpur ; votre vraie demeure, c’est ici et maintenant, et chaque son de la cloche nous aide à rentrer à la maison. Ca prend quelques secondes de rentrer à la maison, vous n’avez pas besoin d’acheter un billet d’avion et de passer le contrôle de sécurité, vous pouvez être chez vous en quelques secondes, c’est très beau.
Si vous êtes un bon maître de cloche, vous donnez assez de temps pour que tout le monde profite de 3 inspirations et expirations profondes, vous offrez cette paix, cette joie. Il ne faut pas être avare, il faut être généreux, le maître de la cloche se réjouit de 3 inspirations et expirations profondes et donne quelques secondes en plus, pour les autres personnes, parce que peut-être que notre inspiration et notre expiration ne sont pas aussi profondes et aussi longues que celles des autres personnes. Donc, c’est un temps pour savourer. Après avoir fini le premier son complet, après avoir inspiré et expiré 3 fois, vous leur redonnez encore quelques secondes, 3, 4, 5 secondes, avant de produire le deuxième son. Si nous respirons bien, le calme, la relaxation, la paix, la joie et même le Nirvana sont disponibles. Dieu, le corps cosmique sont disponibles. La pratique est très agréable et assez facile. Nous devrions en faire une habitude, le bonheur est une habitude. Pratiquons ensemble : (un demi-son – 3 sons).
Pratiquer ensemble
Après avoir terminé 3 sons complets de la cloche, vous baissez, vous descendez la cloche et vous l’invitez à s’asseoir à nouveau sur son coussin. C’est merveilleux si toute la famille s’assoit et écoute la cloche ensemble. Si vous faites cela chaque matin, chaque soir, alors il y aura plus d’harmonie, plus d’amour et de compréhension mutuelle, plus de bonheur dans la maison. Lorsque plusieurs centaines de personnes s’assoient dans la détente, inspirent et expirent comme cela, nous produisons une énergie collective de paix, de pleine conscience, de joie, très puissante, très nourrissante pour nous tous. Et c’est ce que nous produisons pendant une retraite, l’énergie de la paix, l’énergie de la pleine conscience, l’énergie de la compréhension et de la compassion. Ces choses sont très précieuses, elles peuvent être produites par la pratique, vous ne pouvez pas les acheter au supermarché.
Toutes les cellules écoutent
C’est mon désir que chacun, chacune d’entre vous s’entraine à bien inviter la cloche. Je veux que mon corps de continuation le fasse bien. Quand nous inspirons, que nous écoutons le son de la cloche, nous pouvons inviter toutes les cellules de notre corps à nous rejoindre dans cette écoute. Vous n’écoutez pas seulement avec vos oreilles, il y a des milliards de cellules dans votre corps et chaque cellule a sa propre vie et ses perceptions, ses formations mentales, sa conscience. Chaque cellule a un corps de Dieu, un corps cosmique. Donc, c’est l’écoute profonde, vous invitez toutes les cellules de votre corps à vous joindre dans l’écoute de la cloche, et la cloche, avec la paix de la pleine conscience, pénètre profondément dans chaque cellule. Il y a une synchronisation dans votre corps et la paix est générée, l’harmonie est générée, et elle guérit votre corps.
Nous savons que, dans chaque cellule de notre corps, nos ancêtres sont pleinement présents, mon père est là dans chaque cellule de mon corps, ma mère est également là. Mon grand-père, ma grand-mère, mes ancêtres ne sont pas morts, ils sont pleinement présents dans chaque cellule de mon corps. Donc, lorsque j’entends la cloche, je les invite tous à me rejoindre dans l’écoute. Au lieu de dire : « j’écoute, j’écoute ce son merveilleux me ramène à ma vraie demeure », nous devrions dire : « nous écoutons, nous écoutons ce son merveilleux nous ramène à notre vraie demeure ». C’est l’écoute profonde. La pratique de l’écoute de la cloche peut être très profonde et peut apporter beaucoup de bons résultats.
Il y a toute sorte de cloches au Village des Pruniers, vous pouvez vous entrainer et je veux que chacun, chacune d’entre vous devienne un maître, une maîtresse de cloche qui sait comment inviter la cloche.
Le rève
Il y a de nombreuses années, j’ai fait un très beau rêve. A l’époque, j’étais encore très jeune, j’avais 50, 55 ans (rires). Dans ce rêve, je me suis vu encore plus jeune, j’avais peut-être 20 ans, j’étais un étudiant à l’université. Ce jour là, j’ai découvert que j’étais accepté dans la classe d’un professeur très prestigieux et j‘étais tellement fier parce que tout le monde dans l’université aspirait à être dans son cours, c’était le meilleur professeur de toute l’université. Donc, j’ai entendu que je devais être présent dans ce cours le matin même. Donc, je me suis rendu tout en haut du bâtiment, et je me suis arrêté au bureau, et j’ai demandé au secrétaire dans ce bureau où se trouve la classe. Et j’ai vu un jeune homme qui essayait de s’y rendre également. Il avait exactement le même air que moi, c’était comme une photocopie de moi-même, son visage, ses vêtements, etc. J’étais très curieux, j’ai demandé au secrétaire : « Qui est ce jeune homme ? Est-ce qu’il est accepté dans la même classe ? ». « Toi oui, mais lui non ». Je n’ai pas compris jusqu’à ce que je me réveille plus tard du rêve. Et j’ai appris que cette personne, c’était moi aussi, mais que je l’avais laissé derrière moi, parce que j’avais fait des progrès, j’avais trouvé plus de liberté, de lâcher-prise, et c’est pourquoi je l’avais laissé derrière moi.
Donc, nous devons nous dépasser nous-même, nous devons devenir meilleur chaque jour, plus libre, plus vivant, plus compatissant, chaque jour. A mi-chemin vers cette classe, j’ai appris que c’était une classe de musique. J’étais tellement surpris. Je ne suis pas étudiant en musique, pourquoi est-ce que je serais accepté dans une classe de musique ? Alors, j’ai monté l’escalier avec ce genre de doute : « Pourquoi est-ce qu’ils m’ont accepté comme étudiant en musique ? ». Et quand je suis rentré dans la salle, je pensais que c’était une salle normale, c’était une salle immense, et il y avait déjà des milliers d’étudiants assis. Et en regardant par la fenêtre, j’ai vu le paradis de Tushita, des montagnes magnifiques, des pics avec de la neige, des étoiles. C’était très beau, c’était comme une assemblée de bodhisattvas, et le professeur, c’était comme le Bouddha qui était sur le point de donner un enseignement du Dharma.
Je n’avais pas eu le temps de trouver un siège parce que je voulais m’asseoir pas trop près du professeur. Soudain j’ai entendu que je devais faire une présentation ce matin-là. « Moi, faire un exposé sur la musique ? Je ne connais pas grand-chose à la musique ». J’étais très embarrassé, je ne savais pas quoi faire. C’était comme une énergie d’habitude, j’ai mis ma main dans ma poche, et soudain, j’ai trouvé quelque chose : ma petite cloche, et j’ai dit : « Faire une présentation sur comment inviter la cloche, je peux le faire ». J’ai confiance et je ne me faisais plus de souci. Et le professeur était sur le point de rentrer, mais je me suis réveillé. J’ai beaucoup regretté parce que si j’étais resté un peu plus, 5 ou 6 secondes, j’aurais pu voir le professeur en personne, le Bouddha en personne.
Après m’être réveillé, je suis resté sur mon lit, j’ai respiré et j’ai essayé de trouver quel était le sens de ce rêve. Finalement, j’ai trouvé que l’autre personne, c’était aussi moi, mais que je l’avais laissé derrière moi parce que j’avais fait des progrès sur le chemin de la pratique.
La cloche est un instrument de musique. Il y a beaucoup de moines, de moniales aux Pruniers qui jouent d’un instrument de musique et leurs chansons deviennent des chansons du Dharma, donc ils sont ma continuation. Si j’étais étudiant de musique, eux aussi sont étudiants de musique, aussi maintenant.
(Extrait de l’enseignement du 20 juin 2014 (retraite des 21 jours)