Troisième message pour la retraite d'hiver 2016-2017
Troisième facteur d’éveil : vīrya, l’énergie
C’est la troisième branche de l’arbre des Facteurs d’Eveil.
Vīrya est le mot sanskrit qui veut dire énergie, vigueur, diligence ou encore persévérance dans la pratique de la pleine conscience. Ce troisième facteur d’éveil correspond aussi à la quatrième Paramita (la Perfection de l’Energie - Vīrya Paramita), ainsi qu’à la sixième branche du Noble Sentier Octuple : l’Effort Juste.
Dans notre pratique de la méditation bouddhiste, c’est-à-dire l’attention à la respiration et au corps, aux sensations, aux perceptions, aux formations mentales, à la conscience, à chaque instant de la vie quotidienne et bien sûr pendant les sessions de méditation et de retraites, il se peut que nous ayons moins de courage, moins d’énergie. Nous trouvons que notre pratique ne nous apporte plus de joie, nous ne nous sentons plus paisibles pendant l’assise, et pendant la marche nous sommes distraits par ceci ou par cela. De même pour les partages sur le Dharma qui semblent parfois nous apporter de l’ennui ou de la lassitude ou bien les enseignements que l’on a déjà entendus plusieurs fois… Cela ressemble beaucoup à un manque d’énergie, ou peut-être celle-ci est-elle mal orientée : nous sommes tiraillés dans un sens ou dans un autre concernant telle ou telle pratique, ou impatients d’atteindre un but qui ne vient pas, ou bien encore nous nous demandons pourquoi nous souffrons toujours autant, pourquoi nous ne connaissons pas le bonheur ou pourquoi notre corps nous fait si mal… Nous risquons encore de trouver que la pratique de la méditation est quelque chose de très répétitif finalement, un peu comme la vie quotidienne dans laquelle les jours se suivent et se ressemblent étrangement ! Et ainsi toute une vie peut se dérouler comme un rêve, sans que nous soyons vraiment présents pour nous-mêmes, pour notre famille.
Alors, il se peut, comme nous le dit Thầy dans le paragraphe concernant l’énergie, du Cœur des Enseignements du Bouddha, que nous n’ayons pas encore trouvé un sens à notre vie ou un sens dans notre pratique.
Nous voudrions ici vous rappeler cette anecdote concernant Milarepa qui fut un maître tibétain :
Alors que pour la énième fois Milarépa voulut suivre l’enseignement de son Maître, celui-ci le rejeta à nouveau sans ménagement. Déçu, Milarépa s’en retourna dans la montagne où il vivait, et entreprit de se préparer du thé. Bien sûr il avait besoin de faire du feu pour faire fondre la glace et la neige afin d’avoir de l’eau chaude, et donc Milarépa chercha du bois dans les environs de sa grotte. Quand il eut fini cela et que le feu fut allumé, que l’eau fut chaude et qu’il put boire enfin son thé, Milarépa fut tout à coup surpris de voir le nombre de traces de pas qu’il avait laissées dans la neige pour ramasser du bois. Il se dit ceci : « combien d’énergie et de persévérance ai-je dû avoir pour boire ce bol de thé chaud ! » Puis il réalisa qu’il en était de même avec la pratique de la pleine conscience et qu’il devait encore avoir de la patience et de la persévérance avec son Maître qui, certainement, l’accepterait bientôt.
Ainsi en est-il de même pour nous tous, et peut-être devrons-nous avoir beaucoup de persévérance, de patience, afin qu’un jour nous trouvions le sens véritable à donner à notre pratique de la pleine conscience et à notre vie.
Cependant, l’enseignement de Thầy, nous dit aussi que nous pouvons être libres de tout souci concernant le passé, libres des inquiétudes à propos du futur et même libres du présent auquel nous pourrions être attachés, et cela dès le premier pas, dès la première inspiration… n’est-ce pas ?
Il n’est pas nécessaire de faire de longues méditations assises qui nous demanderaient beaucoup d’énergie et dans lesquelles nous pourrions nous égarer, ni de réciter des Sutras à longueur de journée, surtout si ces pratiques nous éloignent de notre environnement familial ; cette énergie-là serait sans aucun doute mal employée.
Voici quelques exercices à mettre en œuvre très simplement, en appliquant ce que nous avons appris des deux premiers messages concernant la Pleine Conscience et l’Investigation des Phénomènes. Il va sans dire d’ailleurs que l’Energie est intimement liée à la pratique de la Pleine Conscience et de l’Investigation des Phénomènes, des dharmas.
Proposition d’exercices afin de diriger notre énergie :
- La méditation assise : choisir un moment dans la journée, sinon le matin et/ou le soir, pour pratiquer la méditation assise (pas plus de 10 minutes à la fois pour commencer) dans un endroit agréable et frais que l’on a réservé pour cela, avec une fleur par exemple. S’installer confortablement sur un coussin ou une chaise.
Le sens de cette pratique, et c’est le sens qu’on lui doit donner, est de s’asseoir juste pour s’asseoir, respirer juste pour respirer, le corps bien droit et sans tension aucune. Nous n’avons rien d’autre à faire afin de générer une énergie paisible et reposante.
(Ceci n’est pas un exercice intellectuel où l’on pense à quelque chose, bien au contraire, lâchons prise de toute activité cérébrale, notre concentration établie juste sur notre posture et notre respiration). Si nous nous sentons fatigué ou agité et que la méditation assise devient impossible alors nous devons remettre à plus tard cet exercice.
- Nous avons le temps : notre vie est souvent divisée en plusieurs périodes, un temps pour le travail, un temps pour la vie de famille, un autre temps pour les loisirs ou encore un temps pour la méditation. Apprenons à voir et à observer nos sensations qui changent au fur et à mesure que nous sommes dans telle ou telle activité.
Comment nous sentons-nous pendant le travail, ou en famille à la maison ?
Quelles sont nos sensations pendant nos loisirs, ou pendant le temps que nous réservons à la méditation, ou que nous passons au Village des Pruniers, à la Maison de l’Inspir ?
Est-ce qu’à chacun de ces moments nous sommes la même personne ou bien nous sentons-nous différents selon la situation ?
Apprenons à ne pas faire de différence entre les moments de notre vie, certains agréables et d’autres non, restons attentifs à nous-mêmes par la respiration consciente et l’observation de nos sensations. Voyons qu’à chaque instant nous sommes toujours la même personne.
Le sens de cet exercice est d’atteindre à plus de disponibilité, de liberté par rapport aux évènements, par rapport à soi-même et à autrui, avec bienveillance.
- Pratiques quotidiennes : pour revenir à soi et ne pas se disperser, nous nous proposons de profiter de tous ces moments de notre vie quotidienne qui peuvent sembler routiniers, lassants, pour établir la pleine conscience et faire naître une énergie paisible.
Faire la cuisine, laver la vaisselle, laver le linge, faire le ménage, etc…
- les légumes sont frais, beaux, appétissants : ils sont aussi composés de lumière, de pluie, de terre, du travail des agriculteurs…
- la vaisselle est sale, mais grâce à l’eau et un peu de savon elle va retrouver sa beauté ; l’eau qui vient des profondeurs de la terre, des montagnes, des nuages.
- le linge aussi est sale avant d’être lavé, et il retrouvera son aspect tout propre par la suite ; il est composé de coton, de laine, de lin, ou autres matières, de fil, du travail de nombreuses mains qui ont participé à sa confection…
- ôter la poussière des meubles, nettoyer la cuisine et la salle de bain, nettoyer le sol ; nos gestes deviennent plus lents et s’accordent avec notre respiration, nous prenons notre temps et chaque « travail » est fait avec profondeur comme si c’était la seule chose que nous ayons à faire dans la vie. Même si nous ôtons la poussière, elle reste toujours là présente et disponible pour nous : voyons peut-être qu’il n’y a pas de but à atteindre car cela est déjà fait…
En tant que pratiquants, pratiquantes, nous cherchons à être plus paisibles en nous-mêmes, plus disponibles, plus libres, afin de générer une énergie de paix qui nous baignera et qui se répandra tout de suite dans notre entourage. Cela pourrait être le sens de notre vie, notre intention, et nous pouvons le réaliser tout de suite à travers tous nos gestes quotidiens.
Se faire un café est un geste ordinaire et courant, mais se faire un café en observant attentivement tout ce qui compose le café, tout ce qui fait que le café est là dans notre tasse, nous permettra d’apercevoir sans doute un monde infini : le monde du « non café » ! Et nous pouvons faire cela immédiatement.