QUATRIEME MESSAGE DE LA RETRAITE D'HIVER CHEZ SOI
Chers amis,
Excusez-nous s'il vous plait. A cause d'un problème logistique cette message n'a pas été mis en ligne le dimanche dernier.
Mais le voilà quand-même:
Nous vous souhaitons une très belle année en bonne santé et avec beaucoup de joie dans la pratique!
Chers amis,
C'est un moment bien particulier que ce mois de décembre ; avec Noël et les fêtes de fin d'année, moments de retrouvailles pour certains et de grande solitude pour d'autres, avec le froid qui vient, s'en va et revient, et ceux qui sont dehors dans ce froid, avec ces grands mouvements de bouillonnements d'un bout à l'autre de la France, et les bouleversements qui les accompagnent, avec cet attentat à Strasbourg, et la souffrance qu'il provoque...pour ne parler que de cela, pour ne parler que de la France...et nous savons combien partout dans le monde les tempêtes et leurs remous sont palpables. Nous avons la grande chance de connaître une pratique spirituelle qui nous aide au quotidien qui nous permet de prendre soin de toutes ces tempêtes et de nous libérer de l’illusion de notre séparation.
Pratiquer en effet l’arrêt et prendre refuge dans le moment présent nous aide à apaiser notre esprit et à le clarifier ; Nous pratiquons cela afin de pouvoir ensuite aller regarder profondément dans notre propre souffrance pour l’embrasser et la transformer à la racine. Nous arrêter, respirer, cultiver la paix à l’intérieur de nous est une étape nécessaire de la pratique, pour marcher sur le chemin de la libération.
Comment notre retraite d'hiver encourage-t-elle en nous une concentration qui nous aide ? comment encourage-t-elle un sentiment de communauté ouverte et aimante qui nous soutienne ? Comment nous rend-elle attentifs à nourrir un sentiment de joie qui nous rende accueillants à nous-même et à ceux qui nous entourent ? Comment nous rends elle accueillants à notre souffrance et à la leur ? et accueillants à la beauté qui nous entoure et nous habite ?
Dans ce quatrième message, entre les deux fêtes de ce mois, nous allons évoquer, brièvement, contrairement aux fois précédentes, l'enseignement de juin 2014, qui a été écouté le jeudi 20 décembre et mis en ligne le 22 décembre (c'est un gros travail cette mise en ligne et nous pouvons en être très reconnaissants à nos chères soeurs); peut-être reprendrons-nous cet enseignement dans le prochain message ; dans celui-ci nous allons donner la parole à l'une d'entre nous, pour un témoignage de pratique ; et nous allons aussi partager quelques lignes d'un message de Thay à ses étudiant(e)s et ami(e)s, le 22 décembre 2012, juste avant Noël.
TEMOIGNAGE DE PRATIQUE
Cela commence par une question douloureuse :
"Comment gérer la souffrance quand elle est récurrente, envahissante ? quand elle nous interpelle dans différents domaines de notre vie : choix des priorités d'action, choix financiers, grandes difficultés dans la relation avec certaines personnes ; et quand les enseignements de Thay nous paraissent alors, et de manière erronée, insuffisants. Comment ces enseignements de Thay peuvent-ils m'aider directement à soulager ma souffrance ?"
Voici des pratiques de base qui m'aident à répondre à cette question.
Méditer les premières pages du chapitre 3 du livre l'Art de vivre
Voici quelques phrases de Thay extraites de ces pages :
"Pour s'en sortir il faut rentrer chez soi"
"Vous êtes déjà ce que vous voulez devenir, vous êtes une merveille, vous êtes un miracle"
"Lorsque nous abandonnons nos recherches et nos efforts, c'est comme si nous nous reposions en Dieu".
"Tout comme une vague n'a nul besoin d'aller chercher l'eau, nous n'avons pas besoin d'aller à la recherche de l'ultime".
"Vous êtes faits du soleil, de la lune et des étoiles. Vous avez tout en vous"
"Arriver dans le moment présent pour découvrir que le moment présent est le seul et unique moment où vous pouvez découvrir ce que vous cherchez, et comprendre que vous êtes déjà ce que vous aspirez à devenir [...] Si vous vous sentez agité dans le moment présent, ou si vous vous sentez mal à l'aise, vous devez vous poser la question : 'à quoi est-ce que j'aspire ? qu'est-ce que je recherche ? qu'est-ce que j'attends ?' "
"Lorsque nous pouvons nous arrêter de courir, tous nos ancêtres peuvent aussi s'arrêter en même temps [...] L'arrêt ne touche pas qu'un seul 'soi' séparé, mais toute une lignée."
"Si nous continuons de nous accrocher à un rêve de quelque chose dans le futur, nous perdons le moment présent, et si nous perdons le moment présent, nous perdons tout."
"La pleine conscience nous aide à arriver dans le moment présent pour voir et entendre les merveilles de la vie, pour voir et entendre Dieu."
"il y a des merveilles de la vie sur le bord de notre chemin chaque jour, et nous ne les avons pas réellement vues."
Méditer ces lignes m'aide réellement. Si nous voyons réellement, ne pouvons-nous pas, au travers de cette vision profonde, reconsidérer notre souffrance, et ainsi la relativiser ?
Respiration consciente et gatha
Même si je comprends ces enseignements de Thay et qu'ils m'aident, il y a des situations difficiles dans lesquelles je me sens parfois dépourvue.
Dans ces moments-là, de grande difficulté, je constate que la pleine conscience, au travers de la respiration, m’aide à apprécier absolument toutes les petites choses, et les grandes choses aussi : les animaux (petits moineaux, tourterelles…d’autres dont je ne connais pas le nom), le ciel, les arbres, le soleil, la nuit, la lune… la Nature…, et toutes les constructions de l’homme.
Il y a aussi tous ces qualificatifs merveilleux, qui accompagnent le chant associé à la respiration consciente : fraîche, solide, ferme, libre...que nous connaissons tous et qui nous rappellent des moments sans souffrance.
Quand j'inspire, quand j'expire,
Je me sens comme une fleur,
Aussi fraîche que la rosée,
Je suis solide comme une montagne,
Je suis ferme comme la terre,
Je suis libre, je suis libre.
La souffrance est tellement variable pour chacun ; ne pouvons-nous pas nous aider de ce qui nous convient le mieux - un chant, un gatha, ou tout autre support - pour reconsidérer notre souffrance, et la transformer ?
Ainsi, comme nous le dit le Bouddha, et riches de ses enseignements : "Soyez votre refuge, votre île, votre refuge."
Pour ma part, il m'est venu l’idée de composer un gatha pour juguler ma souffrance, prendre distance, lâcher prise…
« Je me sens forte et en capacité de dépasser les inquiétudes et les découragements que telle ou telle personne me fait endurer à son insu »
Et selon mon humeur, je chante en sourdine : « Réjouissons-nous, réjouissons-nous, réjouissons-nous, pour tout, pour tout, pour tout ! »
Cela me fait du bien, je l’ai affiché dans ma cuisine au-dessous de la photo de la Sangha.
Voilà pour moi, à quoi me sert la retraite d’hiver.
Voilà ce que j'ai pu écrire, et qui finalement m'a beaucoup aidée.
A PROPOS DE L'ENSEIGNEMENT DU 6 JUIN 2014
Quelques remarques brèves donc.
D'abord pour voir combien cet enseignement est encourageant.
La première partie nous encourage à propos de la réconciliation ; une femme et son époux qui s'étaient éloignés l'un de l'autre peuvent se rapprocher ; et dans l'histoire que Thay raconte, ils se rapprochent en arrosant les graines de bonheur du passé. Evoquer un passé heureux ne provoque pas forcément le regret et la nostalgie ; cela peut redonner vie au bonheur et à l'amour ; "il n'y a pas de raison de désespérer ; et c'est le miracle de la pratique : rien n'est perdu. Tout est encore là."
Ce qui est encourageant aussi c'est que la souffrance et le bonheur ne sont pas des états auxquels nous ne pouvons rien : ils sont le fruit d'une nourriture ; il suffit donc de bien se nourrir, il ne s'agit pas de faire de grandes choses difficiles et spectaculaires.
"Rien ne peut survivre sans nourriture. Si vous arrêtez d'alimenter votre souffrance elle va devoir mourir."
Autre chose : la pratique n'est pas toujours une pratique formelle. En lisant les anciennes lettres d'amour l'épouse "ne savait pas que c'était une sorte de pratique". Ni en écrivant sa lettre à son époux.
Peut-être que nous pratiquons plus que nous ne le croyons. Peut-être en regardant de plus près notre façon de vivre nous allons nous apercevoir que beaucoup de nos pensées, de nos paroles, de nos actes sont "des sortes de pratiques".
Dans la deuxième partie de cet enseignement, à propos de la non dualité, Thay donne cette merveilleuse image de la vague et de l'eau, que notre amie citait aussi dans son témoignage. "Une vague n'a pas à aller chercher l'eau, puisqu'elle est l'eau, dans l'ici et le maintenant." La vie spirituelle n'est pas une quête de l'impossible, d'un Graal introuvable, elle est la dé-couverte de la réalité, à travers l'observation de l'interêtre. "Entraînons-nous à regarder d'une manière non dualiste, et nous allons être beaucoup plus près de la vérité." Et "ce type de méditation est libérateur".
Cette libération est le fruit de pratiques simples et d'une vision profonde ; ce qui est tout à fait le fil conducteur du témoignage de notre amie, c'est intéressant de le remarquer.
QUELQUES MOTS D'UN MESSAGE DE THAY AVANT NOEL, LE 22 DECEMBRE 2012
Dans ce message, Thay compare le cheminement de Jésus et celui du Bouddha.
"Au moment de sa naissance Jésus était un réfugié sans maison. Quand il devint adulte, cette situation se renouvela. 'les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête" (Matthieu, VIII,20). Siddharta adulte s'est trouvé dans une situation semblable [...] il pouvait avoir tout ce qu'il voulait ; il avait une belle épouse, un fils très mignon, un avenir brillant devant lui, mais il ne se sentait pas à l'aise. C'est pourquoi il dut quitter sa famille, et partir à la recherche de sa véritable demeure, de la paix intérieure. Tous deux, Jésus et Siddharta, cherchaient leur vraie demeure."
"Jésus a finalement trouvé sa vraie demeure en son coeur ; il y a trouvé la lumière. Il a enseigné à ses disciples qu’ eux aussi avaient leur propre lumière, et leur a appris comment faire briller cette lumière pour que les autres puissent la voir. Bouddha Sakyamuni a enseigné que notre véritable demeure peut être trouvée dans le moment présent. Il nous a offert des pratiques très concrètes pour trouver celle-ci, nous rappelant qu'en chacun, chacune de nous, il y a une île du soi, fiable, où nous sommes en sécurité, et à laquelle nous pouvons retourner pour entrer en contact avec tous nos ancêtres génétiques et spirituels, avec toutes les merveilles de la vie. Dans cette île du soi nous trouvons la paix et la plénitude."
La vraie demeure, le voyage intérieur, Thay et nos soeurs nous y invitaient au début de cette retraite.
Les parents de Jésus dans la nuit de Noël, sur les routes depuis plusieurs jours, sans place nulle part pour les accueillir, étaient loin de "chez eux". Mais dans l'histoire qu'on en raconte, ils ont su créer par leur confiance et leur amour, dans un lieu inhospitalier, un "chez soi" tellement intime et accueillant que les bergers dehors ce soir-là ont eu envie de se diriger vers ce foyer, pour s'y réchauffer quelques heures, contempler ce que l'amour et la confiance peuvent créer, quand ils ne sont pas suffisance et repli sur soi.
C'est ce chez soi là que Thay nous invite à découvrir. "Prendre refuge dans son île du soi, dans son île intérieure, est une pratique très importante. Nous avons une chanson au village des Pruniers intitulée 'Retourner dans son île intérieure'. [...] Si nous sentons que nous ne sommes pas rentrés chez nous, que nous cherchons encore notre patrie, ou que nous nous sentons seul, alors cette pratique est pour nous. Cette chanson peut nous aider à nous rappeler cette pratique : prendre refuge dans l'île intérieure. [...]
Il y a quelques jours, Thay pensait au message qu'il souhaitait envoyer à ses ami(e)s et étudiant(e)s pour qu'ils puissent faire comme Jésus ou le Bouddha. Thay a écrit cette calligraphie :
Il n'y a pas de chemin à chercher pour aller vers notre vraie demeure
Notre vraie demeure est le chemin
C'est le message que Thay veut envoyer à tous ses amis et étudiants durant cette saison de Noël. si vous voulez envoyer des voeux à vos ami(e)s et bien-aimé(e)s vous pouvez envoyer ce message. si vous pouvez le pratiquer véritablement, alors votre envoi aura une signification profonde ; mais si vous ne le pratiquez pas, alors ce message n'aura aucune valeur.
Réjouissons-nous de revenir chez soi en cette saison de fêtes. Soyons véritablement dans notre 'chez soi', et devenons ainsi une maison pour nos bien-aimé(e)s et nos ami(e)s.
Avec confiance et amour, Thay "
Chères amies, chers amis, celles et ceux d'entre nous qui pratiquent la retraite d'hiver 'chez soi', celles et ceux qui se retrouvent dans les monastères de nos soeurs et de nos frères, celles et ceux qui pensent 'ne pas arriver à pratiquer', quelle aide Thay nous apporte dans ces temps pas toujours calmes. Quelles paroles de paix.
Bonne continuation à nous tous !
Quand j'inspire je retourne
Dans mon île intérieure
Chez moi
Il y a de très beaux arbres
Dans mon île à moi
Des sources d'eau claire
Des oiseaux tout joyeux
Le soleil et l'air pur
Quand j'expire je suis bien
Oh comme j'aime revenir dans mon île