Metta
« Quand vous voyez vos cinq skandhas clairement, la compréhension et l’amour se manifestent spontanément et vous savez ce que vous devez faire ou ne pas faire » TNH (La Peur)
Chère Sangha, nous reprenons ici le même sujet du dernier article concernant la méditation de « metta », l’amour bienveillant. Le mot « metta » veut dire : bonté aimante. Dans la pratique de cette méditation vous avez remarqué que la première personne à qui nous nous adressons est nous-mêmes : « Puissé-je être libre de la peur ». En effet, comme notre Maître nous l’a souvent enseigné, avant de pouvoir aider les autres, nous devons être capables de nous comprendre nous-mêmes et regarder profondément quels sont en nous les éléments de paix, de joie, de légèreté, déjà présents. C’est la première démarche à suivre : noter combien il y a d’énergies bénéfiques en nous. Ensuite, si nous avons de la peur, de l’angoisse, ou s’il y a beaucoup de soucis au sujet du futur par exemple, nous le notons aussi.
Prendre conscience de nos sensations en nous augmente la compréhension de tout notre être, et sans doute verrons-nous combien nos peurs peuvent nous rendre tristes ou malheureux(ses), comment nous nous fermons à nous-mêmes. Il n’y a alors plus de place pour la générosité et la compassion. C’est pourquoi il est important d’apprendre à nous connaître, d’accepter nos souffrances, nos afflictions, mais aussi, et cela est crucial, nos bonheurs, nos joies, toutes ces caractéristiques qui font de nous un être aimant et généreux. Pratiquer la méditation « metta », c’est être aimant et tendre avec nous-mêmes d’abord.
A cette condition nous pourrons aider les autres en commençant à leur souhaiter du bien : « Puisse-t-elle, puisse-t-il, être libre de la peur ». C’est une vraie pratique qui doit être faite de tout notre cœur, et non pas comme une phrase un peu mécanique. En même temps, peut-être ne faut-il pas attendre d’arriver à cet endroit où nous serions capables enfin d’avoir assez d’amour bienveillant pour nous, pour aider les autres ; parfois, le fait d’apporter de l’aide aux autres permet aussi de s’apporter de l’aide à soi-même, si nous avons suffisamment d’ouverture d’esprit pour reconnaître que nous-mêmes avons besoin de cette aide et donc de nous l’octroyer. S’aider soi-même permet d’aider les autres en même temps.
« Les Cinq Skandhas sont notre territoire dont nous sommes les géomètres » TNH – La Peur
C’est le seul endroit, le seul lieu où nous pouvons œuvrer pour notre propre transformation. Les « skandhas » (mot sanscrit) sont composés de cinq éléments :
- la forme (le corps), les sensations, les perceptions, les formations mentales, la conscience.
Lorsque nous contemplons tout notre être, nous entrons en contact avec ces cinq éléments ; il en est de même pour ce qui est de nos amis(es), des personnes que nous aimons, de celles pour qui notre sentiment est neutre, ainsi que pour les personnes que nous haïssons. Quelle que soit la personne avec qui nous sommes en relation, directement ou par la pensée, nous pouvons la voir sous l’aspect des cinq skandhas, de ces cinq éléments dont elle est constituée, tout comme nous, et de ce fait nous relier à nous-mêmes de cette manière.
Pour commencer la pratique de metta, et ceci a valeur d’exercice, regardons profondément notre corps, qui est l’élément forme :
- comment est mon corps à cet instant ?
- comment était-il dans le passé ?
- comment sera-t-il dans le futur ?
Ensuite pratiquons cette méditation sur une autre personne, qu’elle soit une amie chère, ou une personne neutre, ou encore une personne que nous n’aimons pas ou que nous haïssons :
- en inspirant et en expirant, visualisons son visage, sa façon de marcher, de s’asseoir, de parler
- visualisons ses organes internes, son cœur, ses poumons, ses reins, tous les organes du corps
(prendre le temps nécessaire pour amener tous ces détails à notre conscience et n’oublions pas de commencer par notre propre corps)
L’élément sensations :
que nos sensations soient agréables ou désagréables, ou encore neutres, nous pouvons les observer. Les sensations sont comme une rivière qui coule sans cesse en nous, et il est dit que chaque sensation est comme une goutte d’eau de cette rivière. Observons notre rivière de sensations ainsi que chaque goutte de la rivière, chaque sensation :
- comment chaque sensation en est-elle venue à se manifester ? Qu’est-ce qui nous a empêchés(es), à un moment donné, d’avoir du bonheur ou de la joie, et comment faire de notre mieux pour transformer cela ?
- touchons en nous les éléments rafraîchissants et guérissants qui sont déjà présents ainsi que dans le monde autour de nous
(ceci nous renforce et nous rend capables de nous aimer et aimer les autres)
L’élément perceptions :
le Bouddha a dit que « la personne qui souffre le plus dans ce monde est la personne qui a beaucoup de perceptions erronées, et la plupart de nos perceptions sont erronées ».
« Par exemple, lorsque dans la pénombre nous croyons voir un serpent pour lequel nous avons un réflexe de peur, à ce moment un ami allume la lumière et finalement ce serpent n’est rien d’autre qu’une corde… ! » TNH – La Peur
- recherchons quelles sont les causes de notre souffrance, les racines et la nourriture de cette souffrance. Il est probable que bien de ces causes ne soient que la conséquence de la façon dont nous avons perçu certains évènements, certaines situations, ou de ce que nous avons cru entendre ou percevoir. Nous devons savoir ce qui nous cause de la souffrance, et en pratiquant la méditation de l’amour bienveillant nous apprenons à regarder avec plus de clarté et de sérénité pour améliorer notre perception.
L’élément formations mentales :
- observons nos formations mentales, c’est-à-dire comment nous nous sentons en ce moment, quelles sont nos pensées, nos idées, les tendances qui sont là présentes en nous
- observons comment cela nous amène à parler et à agir, et quelle est l’influence de notre propre conscience ainsi que l’influence de la conscience collective de notre famille, de nos ancêtres, de la société
Cela peut être de la peur, de la colère ou du désespoir, mais aussi cela peut être de la joie, du bonheur, de la sérénité. Nos formations mentales peuvent être influencées aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de nous-mêmes.
L’élément conscience :
le bouddhisme présente la conscience comme étant un champ ou une cave qui abrite toutes sortes de graines : des graines d’amour, de compassion, de joie et de liberté ; mais aussi des graines de colère, de peur et d’anxiété, et puis encore des graines de pleine conscience.
C’est une sorte de magasin où toutes ces graines sont stockées ; où toutes les possibilités nous sont offertes, pouvant se manifester dans notre esprit.
- avec la pratique de la méditation de metta, observons nos graines de paix, de joie et d’amour, pour les aider à se manifester dans notre conscience mentale ; ce sont des énergies bénéfiques, qui transformerons peu à peu les graines de peur, de colère ou de désespoir qui ainsi redescendront à la cave
- avec la graine de la pleine conscience, essayons de garder présentes, le plus possible, nos énergies bénéfiques au niveau de la conscience mentale
Chers Amis(es), comme précédemment, cet article a été écrit sur la base du livre de notre Maître, Thầy, intitulé « La Peur – Conseils de sagesse pour traverser la tempête ». Pour ceux et celles qui n’auraient pas ce livre, ces articles sont un moyen de rafraîchir nos pratiques et de les faire connaître sous forme de résumés et d’entraînements à la méditation. Que cela puisse vous apporter du bien-être et du soutien dans votre vie courante.
Un petit gatha : « Avant de dormir »
En me reposant dans mon lit,
Je souhaite que tous les êtres vivants
Soient en sécurité dans leur corps
Et en paix dans leur esprit.
Le confinement, un cadeau !
Il s’agit pour moi aussi d’un « noble » confinement. Cette cloche qui nous permet de nous arrêter et de prendre refuge en nous-mêmes.
Le mot « noble » au sens dont nous a parlé frère phap Dung dans son merveilleux enseignement : celui qui nous permet d’apprendre, de voir, de découvrir ce que nous n’avons pas perçu avant.
Thay nous a toujours invité à cette pratique et celle-ci est devenue mondiale !
La première semaine je me suis sentie solide et au service. J’ai donc mis en œuvre et proposé des actions, notamment autour de la pleine conscience car c’était ce qui me semblait le plus approprié. Certaines ont été utiles, d’autres n’ont pas reçu d’écho.
La 2ème semaine j’ai touché la tristesse que cela n’ait pas d’écho et la aussi la peur : d’une part pour l’avenir et surtout une peur beaucoup plus profonde, pour ma sœur qui toussait alors qu’elle fait partie des personnes dites « à risque ». Je suis rentrée dans cette peur en particulier de sa mort, de manière très profonde toute une soirée et une nuit et le lendemain matin, oh miracle, mon cerveau avait changé de perception. La peur s’était dissoute et avait laissé la place à la confiance. Confiance en ce qui serait. Finalement, elle n’a pas le covid 19 : gratitude !
La 3ème semaine fut plus rude. J’ai touché encore plus profondément (car ce sont des aspects de moi que je connais) mon impatience, mon besoin de mouvement, d’action et combien cela me donnait à exister. J’ai touché le vide existentiel. J’ai vu aussi combien mes actions de début de confinement était liées à mon besoin d’exister, de me rassurer.
Alors comment exister dans la non-action ? et au fil de mon cheminement intérieur, quelle est la nature de l’action juste ? dans la non-poursuite. En résonance avec ce que la vie attend de moi.
Depuis, je me suis arrêtée et je n’ai plus envie de continuer à agir comme avant. D’ailleurs plus rien n’est comme avant.
J’ai pratiqué l’arrosage sélectif : reconnu mes émotions, regardé les causes et dans le même temps, j’ai accueilli le printemps, je me suis émerveillée des pousses vert tendre des arbres derrière chez moi, de l’eau de la Saône qui coule devant chez moi. J’ai regardé les fleurs pousser, les bourgeons s’ouvrir et je me suis réjouie. J’ai senti l’air devenir doux en ville, le ciel tout bleu sans un trait d’avion, et je me suis réjouie.
Les 2 mésanges qui sont passées sur mon balcon en quête d’un lieu propice où nicher (première fois).
J’ai aussi ri à certaines vidéos pleines d’humour et de créativité, j’ai dit merci à l’informatique qui m’a permis de rester en lien avec mes proches et en particulier mes parents qui sont loin de moi.
Et le we de Pâques, le miracle s’est produit au sein de ma famille. A distance nos échanges sont devenus de plus en plus profonds et l’on s’est parlé comme jamais de nos ressentis. Nous sommes enfin rentrés dans une communication sensible en étant vivants.
Alors ce matin, j’ai remercié le covid 19 et je n’ai pas de doute sur le chemin qui mène au bonheur (4ème noble gratitude) : s’arrêter, prendre refuge en soi-même, accueillir ce qui est et laisser émerger la femme nouvelle en moi et au service de la vie et de la collectivité des humains.
Et envoyer mon énergie dès qu’elle est suffisante aux ami-es et aussi à tous ces inconnu-es qui souffrent dans leur chair, leur solitude, leur travail harassant.
Et pour finir, il semble que les médecins, en France en particulier, se soient rendu compte que le covid ne s’attaque pas au système respiratoire mais au système sanguin, et ma sœur médecin m’a précisé qu’en effet, ce serait une vascularite, c’est à dire une atteinte des petits vaisseaux sanguins , qui touche les poumons, mais aussi les neurones, la peau d’où tous les signes cliniques nouveaux qui ont été découverts (perte de goût d’odorat, problèmes cutanés etc) ça peut atteindre aussi le foie le cœur les reins , créer des thromboses etc, c’est ce qu’on peut appeler une « maladie du système ».
Alors je me suis dit : « mais c’est extraordinaire, il y a un processus parallèle avec la dimension systémique de la crise que nous vivons (sanitaire, économique, écologique, sociale…) … le micro en miroir du macro !
Gratitude à ma communauté spirituelle bien aimée pour tous les beaux cadeaux de mise en lien que vous nous offrez. Gratitude à ma communauté laïque bien aimée pour garder le lien de pratique et le soutien mutuel. Gratitude à la Terre.
Corinne