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Entretien avec Sœur Giác Nghiêm, 3ème partie

7 Mai 2019

Entretien avec Sœur Giác Nghiêm, 3ème partie

Cette année est le 11ème anniversaire de la Maison de l’Inspir. Pourriez vous nous partager de la Maison de l’Inspir à ses débuts ? Quelle était la vision de Thay pour le centre?

 

À un moment donné de ma vie, j’étais encore laïque et j’allais traverser une souffrance très importante, c’était en 1996, et Su Co m’avait téléphoné pour me dire que notre Maître voulait me voir, je suis venue et j’ai été reçue pour boire le thé avec Thầy et Su co Chan Khong. Et notre Maître m’a expliqué ceci : « j’ai un rêve auquel je tiens beaucoup, j’aimerais beaucoup qu’il y ait un centre de pratique en France. Il n’y  a rien de semblable en France. » et Thầy m’a décrit la Maison de l’Inspir, tout ! Il m’expliquait qu’on vivrait ensemble, que chacun devrait avoir pris les 5 Entraînements à la Pleine Conscience (à ce moment-là, j’étais laïque, maintenant c’est avec les préceptes de Bhiksunis) et notre maître m’a décrit exactement la vie que nous avons ici à la Maison de l’Inspir 10 ans avant que celle-ci ne se manifeste. Et j’ai très bien compris que c’était pour me donner du courage par rapport à ce qui allait arriver dans ma vie, pour que j’aie un but : trouver une maison pour pouvoir donner naissance au rêve de Thầy.

Et donc plus tard, je suis devenue moniale, le 4 décembre 1999. Et j’ai vécu 10 ans ici, entre le temps où je suis arrivée, le temps où j’ai été ordonnée et puis après avoir reçu la lampe. Puis, pendant une retraite – ça devait être la retraite d’été, il y avait beaucoup de monde – notre maître a annoncé que nous allions avoir une maison, qui allait s’appeler la Maison de l’Inspir. et que je serais abbesse là-bas. Et notre maître nous avait proposé : « vous allez partir en octobre » et je lui ai dit : « si vous permettez, cher Thầy, j’aimerais bien passer une dernière retraite d’hiver au Village. » Nous avons donc passé la retraite d’hiver au Village et nous avons participé à l’ordination de la famille où il y avait Thầy Pháp Linh, Sœur Hien Nghiêm,... et cet après-midi même, nous sommes partis.

Thầy Pháp Luong Thầy Pháp Độ, Thầy Pháp Tự, Thầy Pháp Tập , Sr. Song Nghiêm, Sr. Tôn Nghiêm étaient du voyage et un peu plus tard, nous ont rejoint Thầy Pháp Khí et Thầy Pháp Liệu. Et nous avons donc rempli ainsi un van de frères et sœurs pour partir à l’aventure pour donner naissance à la MdI. Elle est située 7 allée des Belles Vues, à Noisy-le-Grand, mais  avant, à cet endroit-là, il y avait une petite maison qu’on appelait « Fleur de Cactus », qui avait été achetée par la famille d’une de nos sœurs et cette petite maison servait de refuge, en quelque sorte, aux familles vietnamiennes qui venaient retrouver là leur culture ainsi que les enseignements de notre maître et prolonger le Vietnam en France. C’était une petite maison très mignonne, où j’avais eu l’opportunité de me présenter, il y avait là sœur Minh Tri, qui est laïque, j’étais venue aussi avec sœur Lương Nghiêm (qui est ensuite partie en Australie). Et nous avons apporté le Dharma à cet endroit-là.

Au départ il y avait une Sangha entièrement vietnamienne, les enfants venaient aussi y apprendre le vietnamien, pas seulement la pratique. Un peu plus tard, notre grand frère, Thầy Giac Thanh est venu s’installer là, il avait conçu le lieu un peu comme un ermitage, et des personnes venaient le consulter pour être guidées dans la pratique et surtout pour que leurs difficultés soient écoutées. Donc cette petite maison a eu beaucoup d’histoires et avant que la MdI ne se manifeste, elle avait aussi été beaucoup abimée par les mouvements de terrain, parce que c’est de l’argile, les murs étaient fissurés. Mais c’était très mignon à l’intérieur, j’aimais beaucoup, on se serrait les uns contre les autres pour pouvoir écouter les enseignements, qui étaient donnés par des enseignants du Dharma, et puis pour les pratiques, les repas en silence...

On n’était guère plus d’une vingtaine. Puis la petite maison a été squattée, par des personnes qui buvaient et ils ont fait des bêtises, du bruit etc. et les voisins ont dit aussi que la maison était très dangereuse, qu’elle pouvait s’effondrer. Donc elle a été abattue et il n’y avait plus qu’un grand jardin, un très beau grand jardin, un peu sauvage, il y avait une pièce d’eau à l’arrière, avec des joncs et des canards sauvages venaient faire leur petits bébés ici, c’est un endroit très paisible, très calme. Donc après que la maison a été abattue, il a été question de vendre le terrain, qui est un très beau terrain a à peine 5 minutes du bord de la Marne, mais notre maître a décidé de construire une maison à cet endroit pour en faire un centre de pratique - exactement en fait le rêve que notre maître nous avait confié. Et la maison a été construite grâce au don d’un très généreux américain, ami de notre maître, et à la vente des « Patates Douces » - c’était là que Thầy se retirait à la campagne quand il habitait à Paris avec quelques amis avec qui il vivait et partageait le Dharma. La MdI est une très belle maison, sur 3070m² de terrain, au début entièrement recouvert de terre glaise, qui plus tard nous a permis d’aménager de jolis endroits pour que cette terre puisse porter des fleurs et des fruits. La maison fait 240m² habitables +un sous-sol. Nous sommes arrivés le 18 février 2008, à 1h30 du matin.

Entretien avec Sœur Giác Nghiêm, 3ème partie

Parmi les centres du Village des Pruniers (VP), la MdI a la caractéristique très spéciale de reposer uniquement sur les dons des amis laïcs, ce qui au Vietnam est courant, mais ici, c’est plutôt rare. Comment cela fonctionne ? Rencontrez-vous des difficultés ? Y a-t-il une raison spéciale pour avoir établi ce mode de fonctionnement ?

 

Quand nous sommes partis pour aller à la MdI, notre communauté a eu la bonté de nous donner de l’argent pour pouvoir vivre un certain temps, bien largement ce qu’il fallait pour commencer, parce qu’il n’y avait rien dans la maison, seulement les murs couleur tilleul pale.

Je me souviens qu’au début Thay et Su Co ne voulaient pas demander d’argent aux personnes qui venaient au VP, les gens donnaient ce qu’ils pouvaient. Mais la réalité était différente, il y avait tellement de choses à faire : installer l’eau, l’électricité, le gaz... et les grands bâtiments à transformer, ce n’était pas possible de continuer très longtemps comme ça. C’était  donc bien le rêve de Thay et on voulait le réaliser. Parmi les frères et sœurs qui étaient là, il y avait Sœur Mai Nghiêm, Sœur Tôn Nghiêm et moi-même -  tout le monde s’est accordé pour dire « on vit de dons ». Pour moi c’était aussi la chrétienté, c’était retrouver Saint François d’Assise qui tendait la main dans la rue, à qui on donnait parfois à manger et qui partageait avec les oiseaux, animaux ou les gens qui passaient, quand il en avait trop, il posait sur une pierre bien en évidence, pour que quelqu’un puisse se servir. C’était complètement dans ma nature et j’ai vu que pour les frères et sœurs qui étaient là, il n’y a pas eu du tout d’obstacle, personne n’a dit :  « mais comment va-t-on faire pour vivre ? »

Et au moment où nous avons pris cette décision, en moi est montée une chanson chrétienne : « Tu es mon berger, Ô Seigneur, rien ne saurait manquer où tu me conduis. Dans tes verts pâturages je me suis reposée et dans tes eaux limpides, me suis désaltérée. Tu es mon berger, Ô Seigneur, rien ne saurait manquer où tu me conduis. », ainsi que cette phrase du Bouddha : « Tant que vous gardez vos préceptes correctement, que vous menez une vie saine et sainte, vous aurez toujours quelque chose à manger dans votre bol. » Et moi j’ai une foi énorme, je ne peux pas l’expliquer. Donc ça a été très facile. Les amis laïcs au début ont proposé de nous verser de l’argent tous les mois et j’ai dit non très clairement – c’était moi qui m’occupais de la trésorerie. Non, nous ne vivrons que de dons spontanés. je voulais qu’il n’y ait aucune pression. Et nous n’avons jamais manqué de rien.

 

Quel est votre rêve pour la Maison de l’Inspir dans 10 ans ?

 

Pour moi ce qui est le plus important, c’est soulager la souffrance des gens qui sont à Paris. Bientôt Paris va s’étendre et va devenir le Grand Paris, qui représentera 11 millions de personnes. Et quand on voit comment les gens se précipitent ici pour respirer, retrouver leur stabilité et combien de personnes à qui on dit ce n’est pas possible de les accueillir. Il faut vraiment qu’on fasse quelque chose pour eux. Mon rêve c’est un double centre de pratique comme Thénac/ Loubès Bernac par exemple. Lors de sa visite en 2012, Thay m’a transmis sa vision, qui est ce message : la Maison de l’Inspir va devenir comme l’EAIB.  Pour moi, quand Thay dit quelque chose, j’y crois. La vision de Thay est celle d’un Bouddha, il voit tout, même le futur. J’ai pensé la Maison de l’inspir comme elle est maintenant, toute petite comme un œuf. Et notre Maître m’a dit : il faudra que vous ayez des livrets semblable celui de l’EIAB, avec un programme pour l’année avec différents retraites à thèmes. La Maison de l’Inspir va devenir EAIB à Paris. Je suis bien consciente que cela ne dépend pas seulement de moi mais de toute la communauté. Je ne me fais pas de soucis pour ça, j’ai juste pensé, quand ce sera mûr, ce sera là. Donc je ne m’en suis pas occupée particulièrement.

L'acceuil de nos amis laics restera le meme. On va continuer à les nourrir, à les aimer, à les approcher avec tendresse, avec un accueil très grand, de façon à ce qu’ils se sentent vraiment chez eux quand ils arrivent et qu’ils puissent déposer leurs fardeaux, parce que s’ils ne se sentent pas accueillis, ils repartent, tout simplement.

Le futur c’est ça, mais je ne peux pas dire que c’est mon futur, parce que je ne sais pas si je resterai dans la future Maison de l’Inspir. Actuellement avec les sœurs, on cherche un endroit pour la future Maison de l’Inspir. Sr Chan Khong m’a demandé de chercher une place pour 20 sœurs et environ 20 amies laïques. Mais je pense que l’on peut faire quelque chose de plus élastique, on peut aller jusqu’à 40 amies laïques. La maison doit avoir une grande salle de méditation et du terrain. Quelque chose de spacieux. J’aimerais trouver un endroit qui soit spirituel. Nous avons visité beaucoup de fermes, je n’apprécie pas trop l’énergie qu’il y a dans ces lieux : l’élevage, des bêtes abattues…mais je les visite avec tout mon cœur. J’aimerais trouver quelque chose qui puisse faire face à Paris demandeur. Déjà, les belges sont venus visiter Verdelot en disant : c’est à côté de chez nous, seulement à 2 heures, on va venir. De Lille, Strasbourg, tout le haut de la France, ils vont venir, car c’est à côté et puis on parle français, ils se sentent plus à l’aise, par rapport à l’EIAB où on parle allemand ou anglais. Bref, ça correspond à un vrai besoin.

Mon rêve est de réaliser le rêve de Thay. Si son rêve est EAIB à Paris, nous le réaliserons. Il a tellement fait pour nous, il fait encore tellement pour nous.

Mais je ne sais pas si j’y serai, je n’ai pas encore décidé, je n’ai pas vu encore avec mes sœurs si j’allais rester ou pas.  Je ne sais pas du tout. Pour le moment, je m’occupe seulement de bâtir le rêve de Thay avec les frères et les sœurs, trouver ce dont on a besoin. 

Entretien avec Sœur Giác Nghiêm, 3ème partie
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M
Pour soeur Giac Nghiem qui nous parlait dernièrement de cette jeune fille avec enthousiasme. Est-ce vraiment la vérité.....à creuser. Merci. Marie. <br /> https://www.minurne.org/billets/20236?fbclid=IwAR1-gKLHIKyioj8nRGiFsR7_GmFTZWqQ9WzEIA5EuoZm11qfYPrV708agrs#.XQ_vhFn2YkR.facebook
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G
Merci beaucoup pour ce retour aux sources de la Maison de l'Inspir où j'ai de très bons souvenirs de partages et d'humanité. En Bretagne maintenant, je repense à ces beaux moments et marche n pleine conscience de ce que j'ai appris. Qu'il est doux de vous lire.
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F
???? Merci infiniment Chere Sr.Giac Nghiem, merci chere noble Sangha????
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