Sixième message de la Retraite d'hiver
« Nous sommes les enfants de la lumière. Nous les fils et les filles du soleil et des étoiles. Tout le cosmos converge pour soutenir notre corps en cet instant, et notre petit corps humain contient l’ensemble des phénomènes » Thích Nhất Hạnh (L’Art de Vivre)
Chère Sangha,
Nous ne sommes pas limités(es) par notre corps humain, nous sommes bien plus grands(es) que cela, et avec la vision profonde, la vision de l’inter-être, nous sommes en mesure de voir et comprendre l’interaction entre les évènements qui se produisent autour de nous et en nous-mêmes.
Alors nous réaliserons sans doute, très vite, l’interdépendance qui nous relie les uns(es) aux autres, et verrons ces liens, tissés telle une fine toile, unir les êtres vivants, les humains, les animaux, les plantes, les minéraux,… dans un même élan de vie, une vie commune à tous et à toutes.
Ne nous arrêtons pas à l’apparence et entrons directement dans ce monde, l’Absence de Signes (Animitta), que l’on peut toucher très facilement où que l’on soit.
Lorsque nous ouvrons le robinet d’eau pour nous laver les mains, nous savons que cette eau qui coule sur nos mains ne vient pas seulement du robinet, nous savons qu’auparavant cette eau est sortie de la terre, d’une source, ou bien elle a dévalé les pentes d’une montagne, qu’elle est le fruit de la transformation d’un nuage, lui-même issu de l’évaporation des océans et des mers principalement ; et nous savons bien aussi que notre corps humain est composé en grande partie de cette eau, de ce nuage.
Ne soyons pas limités par nos notions d’apparences et pratiquons le regard profond pour contempler paisiblement notre corps en nous posant peut-être cette question : « cher corps, où étais-tu avant ma naissance, et demain, un jour prochain, où seras-tu après ta dissolution ? »
Regardons et prenons le temps d’examiner avec attention chaque moment, chaque condition, qui se sont produits jusqu’à notre naissance, comme la présence de nos parents, les évènements qui ont conduit nos parents à se rencontrer, la présence de nos grands-parents, de nos ancêtres, etc…, et si possible, nous pouvons essayer de faire de même pour ce moment spécial que nous appelons « la mort », observant clairement le processus de dissolution de notre corps.
C’est un entraînement qui, en tant que pratiquant de méditation, doit être fait légèrement, en pleine conscience de sa respiration, de son corps, de son esprit, afin de voir vraiment que nous ne naissons pas de rien et que lorsque les conditions ne seront plus suffisantes à notre vie, notre existence, nous ne deviendrons pas rien, nous ne retournerons pas à quelque chose qui s’appelle « néant ».
C’est une pratique qui permet de toucher les éléments de non-naissance et de non-mort en nous.
Thầy nous a souvent enseigné qu’une vague ne meurt jamais, qu’elle n’est faite que d’eau et que lorsque la vague cesse et disparaît à nos yeux, elle retourne simplement à l’eau de la mer, de l’océan, pour à nouveau renaître à l’infini.
Peut-être nous nous posons la question de l’endroit d’où nous venons, pourquoi nous sommes là et que faisons-nous ici, et que malgré tout, nous persistons quelque part à avoir encore une croyance en une entité supérieure qui aurait créé de toutes pièces ce monde où nous vivons avec tout ce qui le peuple, ainsi que son environnement composé d’astres, d’étoiles, de planètes, d’une multitude de galaxies et autres trous noirs,… mais laissons là toutes ces questions sans réponses et observons à nouveau notre corps qui, à notre dimension, se trouve à la charnière entre l’infiniment grand et l’infiniment petit. Avec un peu d’attention, nous pourrons voir par exemple que l’infiniment petit est aussi vaste que l’infiniment grand, que pour apercevoir ne serait-ce qu’une infime partie de ces deux mondes nous avons besoin de puissants télescopes et microscopes, que ce corps humain recèle à la fois les germent de la vie et de la mort en même temps, avec la naissance et la destruction de nombreuses cellules à chaque instant. Qu’il est constitué de milliards de bactéries sans lesquelles nous ne pourrions nous mouvoir, qu’il est traversé en permanence par les rayonnements solaires, par la lumière des étoiles, par les ondes magnétiques ; que ce corps est composé des éléments de base de notre planète à savoir la terre et l’eau, l’air et le feu (sous forme de lumière), sans lesquels la vie ne pourrait apparaître.
Nous avons un corps cosmique, composé et traversé en permanence par toutes les particules du cosmos qui de l’infiniment grand se retrouvent en nous sous la forme de l’infiniment petit.
Nous avons aussi un corps cosmique au sens de la conscience proprement dite, conscience qui ne peut être dissociée de notre corps physique.
Ici le mot « cosmos » peut vouloir dire « monde » ; et nous savons qu’il peut y avoir de nombreux mondes qui se présentent à nous et qui nous composent, comme le monde des formes, des sons, des odeurs, des goûts, des objets tangibles (le toucher). Mais aussi les mondes des sensations et des perceptions, des formations mentales. Le monde de la conscience mentale que nous pouvons appeler le monde des représentations mentales lié étroitement aux mondes précédemment cités.
Il y a encore un monde que nous pourrions nommer comme étant le monde de la « nature véritable du corps cosmique » : la conscience du tréfonds (Alaya) où se trouvent toutes les graines, tous les germes de la vie, stockés comme dans une cave ou un grenier ; tout est là disponible, imprégnant notre corps et notre esprit tout entier. Cette conscience est la manifestation ultime du cosmos en nous-mêmes, c’est l’expression de la connaissance directe et intuitive de la vie, non voilée par le fonctionnement mental.
Nous vous proposons ici un petit témoignage d’un ami :
« dans ma pratique à la maison, ou à l’extérieur, lorsque je m’assois près des plantes du salon ou sous les arbres dans un parc, dans une forêt, je fais toujours en sorte d’établir la paix en moi afin d’être disponible et réceptif à moi-même et à mon environnement ; et après quelques respirations calmes et détendues, je commence à voir « vraiment » les plantes du salon, les orchidées, ou les arbres du parc, de la forêt, en profondeur, reconnaissant là, la présence du soleil, du nuage, de la terre, du jardinier… je fais cela régulièrement, un peu comme une prise de médicament, et d’ailleurs je dois dire que j’ai un bon médecin, et que c’est sûrement la seule ordonnance que je suis à la lettre ! D’autres fois, lorsque je m’assois avec ces plantes, ces arbres, je ne fais rien de spécial, je m’assois juste pour m’assoir, avec les plantes, comme si elles étaient d’autres personnes pratiquantes assises près de moi ; nous sommes là ne faisant rien, paisibles, dans une même respiration, et je ne porte pas alors un jugement de forme ou de couleur, de beauté ou non, ni aucune discrimination ; il y a une sorte d’unité qui s’installe entre ces plantes et moi-même, et ce temps d’assise qui autrefois me paraissait si long parce que je ne voyais pas encore les bienfaits de la méditation, me parait aujourd’hui extrêmement court, et pourtant lorsque je cesse cette assise, bien souvent quarante minutes se sont déjà écoulées, parfois un peu plus ou un peu moins. Je ne mesure jamais mon temps. Et d’autres fois encore, lorsque je suis pris par de fortes douleurs physiques, ou morales, et que la prise de comprimés ne suffit pas à calmer ces douleurs, je vais m’assoir sous les arbres, le dos bien droit sur un banc ou un rocher, et je reste là de cette même manière, lâchant prise de tout et faisant confiance, sachant qu’en moi il y a une sorte de « connaissance » qui sait quoi faire sans passer par le mental… je fais confiance, et je me confie tout entier, on pourrait dire « corps et âme » à la nature, à ma vraie nature que je ne perçois pas bien encore. Cependant cela ne fonctionne pas toujours, surtout lorsque je perds patience ou que je n’arrive pas à lâcher la prise avec mes formations mentales négatives. Globalement ma vie s’améliore peu à peu, et je sais que je ne dois pas attendre de souffrir ou d’être perdu pour pratiquer, que la méditation, pour moi, est une prescription bienfaisante à mettre œuvre un peu tous les jours… »
Chère Communauté, pour finir ce long message nous vous offrons ci-dessous une méditation guidée de Thầy qui se trouve dans le livre : l’Art de Vivre, notamment pour celles et ceux qui ne l’aurait pas en leur possession :
« Respirer avec le cosmos »
« J’inspire, je vois l’élément terre en moi, l’élément air en moi. Je vois les nuages, la neige, la pluie et les rivières en moi. Je vois l’atmosphère, le vent et les forêts en moi, les montagnes et les océans en moi. Je vois la Terre en moi.
J’expire, je souris à la Terre en moi. Je fais un avec la Mère Terre, la plus belle planète de notre système solaire.
La Mère Terre en moi
Souriant à la plus belle planète de notre système solaire
J’inspire, je vois l’élément lumière en moi, je suis fait de lumière, je suis fait de soleil. Je vois notre étoile comme source infinie de vie, nous nourrissant à chaque moment. Le Bouddha Shakyamuni était un fils du Père Soleil, moi aussi.
J’expire, je souris au soleil en moi. Je fais un avec le Soleil, une étoile, l’une des plus belles étoiles de toute notre galaxie.
Je suis un enfant du Soleil
Je suis une étoile
J’inspire, je vois tous mes ancêtres en moi ; mes ancêtres minéraux, végétaux, animaux et humains. Mes ancêtres sont toujours présents, vivants dans chaque cellule de mon corps et je joue un rôle dans leur immortalité.
J’expire, je souris au nuage dans mon thé. Un nuage ne meurt jamais. Un nuage peut devenir neige ou pluie, mais jamais rien. Je joue également mon rôle dans l’immortalité du nuage.
Je suis mes ancêtres
Jouant mon rôle dans l’immortalité de mes ancêtres
J’inspire, je vois les étoiles et les galaxies en moi. Je suis la conscience qui se manifeste en tant que cosmos. Je suis fait d’étoiles et de galaxies.
J’expire, je souris aux étoiles en moi. Je joue mon rôle dans l’immortalité des nuages, de la pluie, des étoiles et du cosmos.
Souriant aux étoiles et aux galaxies en moi
Jouant mon rôle dans l’immortalité des étoiles et du cosmos
J’inspire, je vois que rien n’est créé et rien n’est détruit ; tout est en transformation. Je vois la nature de non-naissance et non-mort de la matière et de l’énergie. Je vois que la naissance, la mort, l’être et le non-être ne sont que des idées.
J’expire, je souris à ma vraie nature de non-naissance et non-mort. Je suis libre de l’être et du non-être. Il n’y a ni mort ni peur. Je touche le nirvana, ma vraie nature sans naissance ni mort.
Rien n’est créé, rien n’est détruit
Je suis libre de l’être et libre du non-être »
Thích Nhất Hạnh (L’Art de Vivre)