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Entretien avec Sœur Giác Nghiêm, 3ème partie

7 Mai 2019

Entretien avec Sœur Giác Nghiêm, 3ème partie

Cette année est le 11ème anniversaire de la Maison de l’Inspir. Pourriez vous nous partager de la Maison de l’Inspir à ses débuts ? Quelle était la vision de Thay pour le centre?

 

À un moment donné de ma vie, j’étais encore laïque et j’allais traverser une souffrance très importante, c’était en 1996, et Su Co m’avait téléphoné pour me dire que notre Maître voulait me voir, je suis venue et j’ai été reçue pour boire le thé avec Thầy et Su co Chan Khong. Et notre Maître m’a expliqué ceci : « j’ai un rêve auquel je tiens beaucoup, j’aimerais beaucoup qu’il y ait un centre de pratique en France. Il n’y  a rien de semblable en France. » et Thầy m’a décrit la Maison de l’Inspir, tout ! Il m’expliquait qu’on vivrait ensemble, que chacun devrait avoir pris les 5 Entraînements à la Pleine Conscience (à ce moment-là, j’étais laïque, maintenant c’est avec les préceptes de Bhiksunis) et notre maître m’a décrit exactement la vie que nous avons ici à la Maison de l’Inspir 10 ans avant que celle-ci ne se manifeste. Et j’ai très bien compris que c’était pour me donner du courage par rapport à ce qui allait arriver dans ma vie, pour que j’aie un but : trouver une maison pour pouvoir donner naissance au rêve de Thầy.

Et donc plus tard, je suis devenue moniale, le 4 décembre 1999. Et j’ai vécu 10 ans ici, entre le temps où je suis arrivée, le temps où j’ai été ordonnée et puis après avoir reçu la lampe. Puis, pendant une retraite – ça devait être la retraite d’été, il y avait beaucoup de monde – notre maître a annoncé que nous allions avoir une maison, qui allait s’appeler la Maison de l’Inspir. et que je serais abbesse là-bas. Et notre maître nous avait proposé : « vous allez partir en octobre » et je lui ai dit : « si vous permettez, cher Thầy, j’aimerais bien passer une dernière retraite d’hiver au Village. » Nous avons donc passé la retraite d’hiver au Village et nous avons participé à l’ordination de la famille où il y avait Thầy Pháp Linh, Sœur Hien Nghiêm,... et cet après-midi même, nous sommes partis.

Thầy Pháp Luong Thầy Pháp Độ, Thầy Pháp Tự, Thầy Pháp Tập , Sr. Song Nghiêm, Sr. Tôn Nghiêm étaient du voyage et un peu plus tard, nous ont rejoint Thầy Pháp Khí et Thầy Pháp Liệu. Et nous avons donc rempli ainsi un van de frères et sœurs pour partir à l’aventure pour donner naissance à la MdI. Elle est située 7 allée des Belles Vues, à Noisy-le-Grand, mais  avant, à cet endroit-là, il y avait une petite maison qu’on appelait « Fleur de Cactus », qui avait été achetée par la famille d’une de nos sœurs et cette petite maison servait de refuge, en quelque sorte, aux familles vietnamiennes qui venaient retrouver là leur culture ainsi que les enseignements de notre maître et prolonger le Vietnam en France. C’était une petite maison très mignonne, où j’avais eu l’opportunité de me présenter, il y avait là sœur Minh Tri, qui est laïque, j’étais venue aussi avec sœur Lương Nghiêm (qui est ensuite partie en Australie). Et nous avons apporté le Dharma à cet endroit-là.

Au départ il y avait une Sangha entièrement vietnamienne, les enfants venaient aussi y apprendre le vietnamien, pas seulement la pratique. Un peu plus tard, notre grand frère, Thầy Giac Thanh est venu s’installer là, il avait conçu le lieu un peu comme un ermitage, et des personnes venaient le consulter pour être guidées dans la pratique et surtout pour que leurs difficultés soient écoutées. Donc cette petite maison a eu beaucoup d’histoires et avant que la MdI ne se manifeste, elle avait aussi été beaucoup abimée par les mouvements de terrain, parce que c’est de l’argile, les murs étaient fissurés. Mais c’était très mignon à l’intérieur, j’aimais beaucoup, on se serrait les uns contre les autres pour pouvoir écouter les enseignements, qui étaient donnés par des enseignants du Dharma, et puis pour les pratiques, les repas en silence...

On n’était guère plus d’une vingtaine. Puis la petite maison a été squattée, par des personnes qui buvaient et ils ont fait des bêtises, du bruit etc. et les voisins ont dit aussi que la maison était très dangereuse, qu’elle pouvait s’effondrer. Donc elle a été abattue et il n’y avait plus qu’un grand jardin, un très beau grand jardin, un peu sauvage, il y avait une pièce d’eau à l’arrière, avec des joncs et des canards sauvages venaient faire leur petits bébés ici, c’est un endroit très paisible, très calme. Donc après que la maison a été abattue, il a été question de vendre le terrain, qui est un très beau terrain a à peine 5 minutes du bord de la Marne, mais notre maître a décidé de construire une maison à cet endroit pour en faire un centre de pratique - exactement en fait le rêve que notre maître nous avait confié. Et la maison a été construite grâce au don d’un très généreux américain, ami de notre maître, et à la vente des « Patates Douces » - c’était là que Thầy se retirait à la campagne quand il habitait à Paris avec quelques amis avec qui il vivait et partageait le Dharma. La MdI est une très belle maison, sur 3070m² de terrain, au début entièrement recouvert de terre glaise, qui plus tard nous a permis d’aménager de jolis endroits pour que cette terre puisse porter des fleurs et des fruits. La maison fait 240m² habitables +un sous-sol. Nous sommes arrivés le 18 février 2008, à 1h30 du matin.

Entretien avec Sœur Giác Nghiêm, 3ème partie

Parmi les centres du Village des Pruniers (VP), la MdI a la caractéristique très spéciale de reposer uniquement sur les dons des amis laïcs, ce qui au Vietnam est courant, mais ici, c’est plutôt rare. Comment cela fonctionne ? Rencontrez-vous des difficultés ? Y a-t-il une raison spéciale pour avoir établi ce mode de fonctionnement ?

 

Quand nous sommes partis pour aller à la MdI, notre communauté a eu la bonté de nous donner de l’argent pour pouvoir vivre un certain temps, bien largement ce qu’il fallait pour commencer, parce qu’il n’y avait rien dans la maison, seulement les murs couleur tilleul pale.

Je me souviens qu’au début Thay et Su Co ne voulaient pas demander d’argent aux personnes qui venaient au VP, les gens donnaient ce qu’ils pouvaient. Mais la réalité était différente, il y avait tellement de choses à faire : installer l’eau, l’électricité, le gaz... et les grands bâtiments à transformer, ce n’était pas possible de continuer très longtemps comme ça. C’était  donc bien le rêve de Thay et on voulait le réaliser. Parmi les frères et sœurs qui étaient là, il y avait Sœur Mai Nghiêm, Sœur Tôn Nghiêm et moi-même -  tout le monde s’est accordé pour dire « on vit de dons ». Pour moi c’était aussi la chrétienté, c’était retrouver Saint François d’Assise qui tendait la main dans la rue, à qui on donnait parfois à manger et qui partageait avec les oiseaux, animaux ou les gens qui passaient, quand il en avait trop, il posait sur une pierre bien en évidence, pour que quelqu’un puisse se servir. C’était complètement dans ma nature et j’ai vu que pour les frères et sœurs qui étaient là, il n’y a pas eu du tout d’obstacle, personne n’a dit :  « mais comment va-t-on faire pour vivre ? »

Et au moment où nous avons pris cette décision, en moi est montée une chanson chrétienne : « Tu es mon berger, Ô Seigneur, rien ne saurait manquer où tu me conduis. Dans tes verts pâturages je me suis reposée et dans tes eaux limpides, me suis désaltérée. Tu es mon berger, Ô Seigneur, rien ne saurait manquer où tu me conduis. », ainsi que cette phrase du Bouddha : « Tant que vous gardez vos préceptes correctement, que vous menez une vie saine et sainte, vous aurez toujours quelque chose à manger dans votre bol. » Et moi j’ai une foi énorme, je ne peux pas l’expliquer. Donc ça a été très facile. Les amis laïcs au début ont proposé de nous verser de l’argent tous les mois et j’ai dit non très clairement – c’était moi qui m’occupais de la trésorerie. Non, nous ne vivrons que de dons spontanés. je voulais qu’il n’y ait aucune pression. Et nous n’avons jamais manqué de rien.

 

Quel est votre rêve pour la Maison de l’Inspir dans 10 ans ?

 

Pour moi ce qui est le plus important, c’est soulager la souffrance des gens qui sont à Paris. Bientôt Paris va s’étendre et va devenir le Grand Paris, qui représentera 11 millions de personnes. Et quand on voit comment les gens se précipitent ici pour respirer, retrouver leur stabilité et combien de personnes à qui on dit ce n’est pas possible de les accueillir. Il faut vraiment qu’on fasse quelque chose pour eux. Mon rêve c’est un double centre de pratique comme Thénac/ Loubès Bernac par exemple. Lors de sa visite en 2012, Thay m’a transmis sa vision, qui est ce message : la Maison de l’Inspir va devenir comme l’EAIB.  Pour moi, quand Thay dit quelque chose, j’y crois. La vision de Thay est celle d’un Bouddha, il voit tout, même le futur. J’ai pensé la Maison de l’inspir comme elle est maintenant, toute petite comme un œuf. Et notre Maître m’a dit : il faudra que vous ayez des livrets semblable celui de l’EIAB, avec un programme pour l’année avec différents retraites à thèmes. La Maison de l’Inspir va devenir EAIB à Paris. Je suis bien consciente que cela ne dépend pas seulement de moi mais de toute la communauté. Je ne me fais pas de soucis pour ça, j’ai juste pensé, quand ce sera mûr, ce sera là. Donc je ne m’en suis pas occupée particulièrement.

L'acceuil de nos amis laics restera le meme. On va continuer à les nourrir, à les aimer, à les approcher avec tendresse, avec un accueil très grand, de façon à ce qu’ils se sentent vraiment chez eux quand ils arrivent et qu’ils puissent déposer leurs fardeaux, parce que s’ils ne se sentent pas accueillis, ils repartent, tout simplement.

Le futur c’est ça, mais je ne peux pas dire que c’est mon futur, parce que je ne sais pas si je resterai dans la future Maison de l’Inspir. Actuellement avec les sœurs, on cherche un endroit pour la future Maison de l’Inspir. Sr Chan Khong m’a demandé de chercher une place pour 20 sœurs et environ 20 amies laïques. Mais je pense que l’on peut faire quelque chose de plus élastique, on peut aller jusqu’à 40 amies laïques. La maison doit avoir une grande salle de méditation et du terrain. Quelque chose de spacieux. J’aimerais trouver un endroit qui soit spirituel. Nous avons visité beaucoup de fermes, je n’apprécie pas trop l’énergie qu’il y a dans ces lieux : l’élevage, des bêtes abattues…mais je les visite avec tout mon cœur. J’aimerais trouver quelque chose qui puisse faire face à Paris demandeur. Déjà, les belges sont venus visiter Verdelot en disant : c’est à côté de chez nous, seulement à 2 heures, on va venir. De Lille, Strasbourg, tout le haut de la France, ils vont venir, car c’est à côté et puis on parle français, ils se sentent plus à l’aise, par rapport à l’EIAB où on parle allemand ou anglais. Bref, ça correspond à un vrai besoin.

Mon rêve est de réaliser le rêve de Thay. Si son rêve est EAIB à Paris, nous le réaliserons. Il a tellement fait pour nous, il fait encore tellement pour nous.

Mais je ne sais pas si j’y serai, je n’ai pas encore décidé, je n’ai pas vu encore avec mes sœurs si j’allais rester ou pas.  Je ne sais pas du tout. Pour le moment, je m’occupe seulement de bâtir le rêve de Thay avec les frères et les sœurs, trouver ce dont on a besoin. 

Entretien avec Sœur Giác Nghiêm, 3ème partie

Entretien avec Sœur Giác Nghiêm, 2ème partie

30 Avril 2019

Entretien avec Sœur Giác Nghiêm, 2ème partie

Comment était  votre première rencontre avec Thay ?

 

J’ai eu la chance de rencontrer Dr Đỗ Trọng Lễ qui est acupuncteur et qui s’occupait de Thay. Je lui ai dit que je cherchais un maître. Il m’a dit : Mon Maître vient dans deux semaines enseigner pour la première fois en français chez nous. Donc  je me suis organisée, ma famille m'a gentiment laissée partir pour le week-end.  Première rencontre : c’était le matin.  J’ai dormi chez Dr Do la veille parce qu’il voulait que je sois là pour tout le week-end. J’habite à 60km de chez lui, il voulait que je sois la tôt. Le matin, il frappé à ma porte pour m’inviter à prendre le petit déjeuner avec Thay. Je suis française et je ne connais rien du bouddhisme, rien du zen. Je rentre dans la pièce et je vois un moine assis sur une chaise. Pour moi, voir un moine sur une chaise, c’est normal parce que j’ai vécu beaucoup avec les prêtres. Et les prêtres on les considère toujours comme des amis proches, donc je vais d’un bon pas vers Thay, vers notre Maître, Mr Do fais un écart pour essayer de m’attraper au passage, avant que… on ne sait pas. Je vois Thay faisant un geste de la main, signalant a Mr Do « n’interrompez pas » et il a bien fait, parce que la rencontre aurait été perdue pour moi, c’est sur. Thay a senti, il m’a laissé m’approcher de lui. Je lui ai dit « Bonjour Monsieur » ou « Bonjour », je m’en souviens plus. « Vous savez vous êtes formidable, vous m’avez appris à balayer ma maison avec bonheur. » C’était mon premier contact avec Thay. Il m’a souri avec son beau sourire il a dit : c’est bien, c’est bien. C’est le moment de prendre le petit déjeuner et il m’expliqua. C’était la première rencontre. Mais la rencontre avec le Maître a été le matin, quand nous avons eu un enseignement de Thay et notre Maître a pris une feuille de papier, il l’a regardée et il a dit dans cette feuille il y a tout le Cosmos. Il a commencé à énumérer, je l’ai regardé  et je me suis dit : « ça c’est lui, c’est lui mon Maître, je l’ai cherché partout ». Mais Je suis tombée amoureuse du Dharma, quand je dis amoureuse, vous pouvez m’entendre quand j’enseigne, c’est ma peau, mon sang ! Je ne peux pas expliquer, c’est mon amour le Dharma. Je ne sais pas comment j’aurai vécu si Thay avait enseigné la psychologie bouddhiste, j’aurais été passionnée mais je n’aurais pas eu ce coup de cœur, car cela je l’avais vécu quand j’étais enfant.  J’avais eu un éveil vers 14 ans, j’avais vu l’univers tout entier en moi. C’est extraordinaire.

Après il y a eu le moment de la cérémonie du thé, et là je l’ai vécue comme une communion avec Jésus. Jésus et ses apôtres, et je participais à la communion, je ne peux pas expliquer, c’était comme ça. C’était une rencontre merveilleuse. C’est là que j’ai rencontré Su Co aussi avec ses longs cheveux.

 

Pourriez-vous nous parler de votre ‘ boddhicitta’ ?

 

Mon enfance au Maroc explique la Boddhicitta. J’étais vraiment petite, je devais avoir 4 ou 5 ans, nous vivions à Marrakech. Il y avait des quartiers occidentaux, mais bien que mes parents et mes grands-parents soient français, d’origine française, on habitait dans le quartier arabe, la Médina (la vieille ville dans les pays arabes), c’était très beau, j’aimais beaucoup. Et un jour je suis sortie de la maison, je me rappelle très bien, il y avait un petit enfant avec les yeux tout collés, pleins de pus, le nez qui coulait tout jaune et des mouches, et il pleurait. Et j’ai dit à maman « Il faut faire quelque chose, qu’est-ce qu’on peut faire pour l’aider ? Et pourquoi il est comme ça ce petit enfant ? » Maman aidait beaucoup, mes grands-parents aussi, Papa était engagé dans une autre direction, mais ils aidaient les personnes autour d’eux. Et la réponse qui m’a été donnée- on sortait de la maison -, c’était : « tu vois, tu es née de ce côté-ci de la porte, si tu serais née de l’autre côté de la porte, tu aurais pu être cet enfant ». Et ça a été un choc énorme pour moi, la seule différence entre cette personne et moi, c’était le côté de la porte.

 

Il y avait aussi beaucoup de mendiants, des gens comme on voit en Inde, estropies, avec les jambes coupées, qui ne peuvent pas se tenir debout, qui marchent à quatre pattes, c’était très violent à regarder, mais ça faisait partie du décor de ma vie enfant, et j’ai dit à ma grand-mère : « il faut qu’on les mette debout, on ne peut pas les laisser par terre, on ne peut pas les laisser comme ça ! » Donc la boddhicitta c’était mise en route à ce moment-là et cette boddhicitta peut expliquer le choix de mon métier, j’aurais aimé être médecin et j’ai été kiné, et c’est très bien comme ça, j’étais très heureuse, parce que j’ai mis les gens debout, j’ai réalisé mon rêve de petite fille là aussi. Et je me suis donc occupée des malades en rééducation, massages, rééducation, j’ai travaillé au début en réanimation et en grosse chirurgie abdominale à Lyon, pendant 8 ou 9 ans, et ensuite je suis allée vivre à St-Etienne, ou j’ai travaillé en gériatrie auprès des personnes en fin de vie et des personnes paralysées, ou qui avaient Parkinson. J’ai toujours aime énormément ce que je faisais, quand je me levais, je savais que j’avais ma famille, pour laquelle j’ai un amour infini, mais je savais aussi qu’en plus j’allais aller travailler. Tous les jours je me suis levée avec bonheur, je me suis dit « voilà, on y va ! ».

 

Et puis quand j’ai rencontré Thay, j’ai apporté la pratique de la méditation marchée a l’hôpital, j’ai apporté la méditation au lit du malade, pour leur apprendre à ne pas se sentir seuls, nettoyer la solitude, réparer les dégâts dans les familles, mais avec la pratique de Thay, et c’était très beau. Et le chef de service m’a convoquée un jour et m’a dit « Madame, je ne sais pas ce que vous faites, mais je vous donne carte blanche, car je vois le résultat » et c’était le zen. Et à partir de ce moment-là, quand j’écrivais a Thay – je lui faisais des compte-rendu de comment je mettais le zen dans ma vie, parce que moi ce qui m’intéresse c’est de mettre dans ma vie, c’est pas la théorie – et j’envoyais a Thay et je faisais un résumé des commentaires pour le chef de service et je le posais sur son bureau quand il n’était pas là, pour qu’il sache, puisqu’il disait « je ne sais pas ce que vous faites », donc je lui faisais savoir.

 

A quel moment avez-vous décidé de devenir moniale même si vous avez eu une vie très spirituelle ?

 

Comme dit le Bouddha, les causes et les conditions...

Mon bien aimé m’avait quittée, il était parti avec une étoile filante (il était tombé amoureux d’une dame). Les enfants étaient déjà installés en couple à l’extérieur de la maison, je suis venue me réfugier au Village des Pruniers pour guérir ma très profonde tristesse, dépression, mon désespoir était très profond.

J’avais les pratiques pour faire face à ça, je n’ai pas guéri en une fois en trois mois, mais pendant que j’étais là, j’ai eu un appel très puissant, semblable à celui que j’ai eu quand j’avais 8 ans, puis quand j’avais 14 ans, de devenir moniale. A 8 ans je voulais être moniale, à 14 ans je voulais aussi être moniale. C’était un appel de Dieu, je l’appelle comme ça. J’étais très malade, au fond de mon lit au Village. J’avais l’impression dans mon cœur que Dieu me disait : « c’est maintenant que tu es enfin disponible pour moi. Tu n’as plus de mari, les enfants sont grands, tu peux laisser ton travail, tes parents vont bien, il n’y a plus de raison. Ce n’était pas possible à 8 ans, à 14 ans, pas possible pendant plusieurs années, mais maintenant tu es libre ». Et je lui ai dit : « oui bien sûr ! » C’est une aspiration extrêmement profonde, parce que la communauté correspond exactement à ce dont j’ai besoin pour pouvoir aider.

 

Quelle est la qualité de Thay que vous aimeriez continuer ?

 

Son amour inconditionnel et sa compréhension profonde. C’est ce que je veux continuer de Thay. Et puis sa patience. Quelle patience, quel amour !

C‘était une fin de journée, j’avais accompagné deux sœurs pour donner un soin à Thay, j’étais là pour faire le ménage. Quand je suis arrivée il faisait sombre dans la salle à manger de Thay, au fond à gauche il y avait un évier, une ampoule qui pendait comme ça, c’était extrêmement simple, une extrême sobriété. Il y a une telle ressemblance avec François d’Assises et Jésus, que pour moi c’est facile d’être là.

Je me suis approchée pour faire la vaisselle et je suis restée fascinée par un verre, comme ceux dans lesquels notre Maître boit son thé, et une cuillère avec du riz glutineux dessus qui trempait dans de l’eau chaude. C’est très anodin mais ça m’a attiré comme si Thay avait déposé son enseignement dedans avec une intention particulière pour Sœur Giac Nghiem. C’est comme ça que je le vois maintenant, mais à ce moment-là, je n’y pensais pas, j’étais fascinée. Tout le temps où j’étais là, je n’ai rien fait, pas balayé, pas de vaisselle, je n’ai fait que contempler l’enseignement de Thay. Je me suis laissée dans la contemplation infuse, simplement être en contact et sans aucune parole. À un moment donné j’ai touché à travers ça la compréhension de l’enseignement de Thay, j’étais en contact direct avec l’amour de Thay pour ses disciples, ses disciples qui n’étaient pas sages, pénibles, qui sont encore bien enveloppés dans du riz glutineux. Et je voyais sa patience, l’enseignement c’était : juste attendre, comme de l’eau chaude - l’amour environnant – qui pénètre doucement à travers ce qui est glutineux et à un moment donné, ça va céder et le riz va partir tout seul de la cuillère. Et j’ai pleuré, je continuais à regarder et cette fois je ne vois plus la cuillère, le riz, l’eau chaude, mais l’amour de Thay, la manière dont cet amour nous enveloppe chacun et chacune. Cet amour infini, ineffable, qui nous pénètre et nous aide à devenir plus souple, plus doux et à lâcher prise de tous nos attachements.  Je pleurais et notre Maître est descendu, il a posé sa main sur mon épaule et m’a dit : Sœur Giac Nghiem, vous allez devenir enseignante du Dharma. Et moi, je suis sure que c’est ça ma voie, c’est être cette eau chaude pour tous ceux qui m’entourent.  J’ai été profondément en contact avec la pratique que Thay me destinait. Ma vraie voie, c’est ça, c’est ce que Thay m’a donné comme cadeau, ce jour-là, c’est l’amour infinie, la patience infinie qui fait que l’on accepte l’autre comme il est en pensant qu’une seule chose peut guérir cette personne, c’est la compréhension et l’amour. C’est tout.

 

 

Retraite Wake Up

28 Avril 2019

Retraite Wake Up

Pour info et inscriptions cliquez ici!

Journées Tai Chi 18 mai et 1 juin

27 Avril 2019

Journées Tai Chi 18 mai et 1 juin

Chers amis,

Nous avons le plaisir, d’annoncer qu'il y aura encore 2 journées Tai Chi ce printemps: le 18 mai et le 1 juin.

Le Taichi Intégral combine le Tai chi, le Qui Gong et le Yoga. Il favorise l'interaction corps et esprit.

Pendant ces journées, nous nous laissons aller au plaisir de découvrir la souplesse du papillon, l'équilibre de la grue, la concentration du buffle... entre autres animaux.

Les mouvements d'auto-massage et de relaxation nous réconcilient avec le corps souvent malmené et oublié.

Ce stage est ouvert à tous. Il n'est pas nécessaire d'avoir une expérience préalable.

L’animatrice sera Madame Bich Trinh, formée au Taichi Intégral de Maitre Hang Truong

Il y a une participation de 30 euros pour la journée, 20 euros pour étudiants, le repas est compris. Le stage aura lieu  de 9h30 a 17h00.

Prévoir tenue souple

Bulletin d'inscription au Tai Chi intégral

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Téléphone.........................................email.................................................................................

Pour vous inscrire, s.v.p. envoyez un email à info@maisondelinspir.org avec votre nom et nr téléphone. le nombre de participants est limité.

Entretien avec Sœur Giác Nghiêm, 1ère partie

23 Avril 2019

Entretien avec Sœur Giác Nghiêm, 1ère partie

Entretien avec Sœur Giác Nghiêm

 

Chère notre grande sœur, pourriez-vous partager avec nous votre voyage spirituel? Quand avez-vous commencé votre voyage ?

 

Je suis née dans une famille catholique, vraiment très croyante et avant même de naître, j’étais déjà prise dans ce berceau spirituel chrétien. Et ma vie s’est déroulée au Maroc dans un monde où trois religions vivaient en harmonie : il y avait les musulmans, puisque nous étions en terre musulmane, il y avait les juifs, parce qu’ils vivaient ensemble en harmonie à ce moment-là, et il y avait les chrétiens, puisque le Maroc était un protectorat, où le Sultan gardait sa position par exemple, c’était différent d’une colonie.

Et j’ai vécu une vie très spirituelle depuis toute petite. Nous faisions des prières avant de manger, avant d’aller nous coucher, quand on avait du chagrin ou quand on faisait des bêtises, on demandait toujours pardon à Jésus, des choses comme ça. J’ai reçu la première communion vraiment très jeune, je n’avais pas 6 ans. Et mes parents avaient développé, avec mes grands-parents, une vision profonde très belle, nous disant que nous vivions dans un pays qui ne nous appartenais pas, dont il fallait à tout prix regarder en profondeur la religion, la culture, la nourriture, connaître leur art, les poèmes, les chants, tout comprendre, pour pouvoir vivre avec. Donc mes parents ont appris à parler arabe, j’ai appris à parler marocain aussi, petite, mais je ne suis pas restée assez longtemps pour bien parler, je suis restée jusqu’à l’âge de 13 ans. Et au point de vue religieux, il y avait cette ouverture, ma maman m’avait fait voir que chaque religion avait un lieu de prière : la mosquée, ou la synagogue, ou l’église ; que dans la mosquée il y avait un symbole : l’Étoile et l’arc de lune, le Candélabre à sept branches chez les juifs et la Croix chez les chrétiens, qu’il y avait trois livres : le Coran chez les musulmans, la Torah chez les juifs et l’Ancien Testament et le Nouveau Testament chez les chrétiens ; dans chaque endroit des personnes venaient pour prier et il y avait quelqu’un pour officier : le rabbin, le prêtre et l’imam, qui enseignaient. Donc c’était très ressemblant. Et Maman disait que tant que les personnes qui venaient à ces endroits-là respectaient les préceptes de leur tradition - qui sont très ressemblantes - et qu’ils avaient le cœur d’aimer les personnes, de les accueillir chez eux, de leur porter secours, même aux ennemis, quand ils sont blessés, etc. alors on pouvait dire qu’ils priaient Dieu. Donc j’ai vécu dans un monde spirituel dans lequel les religions étaient reliées, il n’y avait pas de séparation et pas de guerre de religion. Donc Maman, qui avait beaucoup étudié l’Ancien et le Nouveau Testament, le Coran et la Torah, s’asseyait avec les sages pour parler religion, pour comparer les religions, donc je suis née dans un endroit très particulier.

Avez-vous déjà eu l'idée qu'un jour vous deviendrez moniale quand vous étiez petite fille ?

Quand j’avais 8 ou 9 ans, j’étais à l’église St François d’Assise à Casablanca avec toute ma famille (on vivait tous ensemble), et il y avait des grilles et des grand voilages derrière, et on entendait des voix délicieuses, comme des anges. J’ai demandé à Maman « qui chante comme ça ? » et elle m’a dit « ce sont les Clarisses, les sœurs de Sainte Claire d’Assise, qui chantent », « et qu’est-ce qu’elles font ? » « Elles donnent leur vie pour Dieu. » Et alors j’ai dit : « moi aussi je veux donner ma vie pour Dieu, je voudrais devenir comme elles, mais je veux danser pour Dieu. » Elle m’a dit « ça, pas question. » - à 8 ou 9 ans ce n’est pas possible, et puis danser pour Dieu n’était pas une idée qu’on avait dans la tradition chrétienne.

Et j’ai été élevée avec la vie des saints, depuis toute petite, on me racontait la vie de Saint François d’Assises, de Sainte Claire, de Sainte Thérèse d’Avila, j’ai vécu avec les saints. Ma grand-mère aussi était très religieuse et pour Paques et les Jeudis Saints, elle m’emmenait pour faire le chemin de la croix, ou on voyait Jésus mourir. Donc j’ai eu une vie extrêmement intense sur le plan spirituel. Et j’ai toujours gardé ça, même maintenant, ça fait partie de ma chair, c’est quelque chose qui devait certainement exister bien avant et c’était simplement la suite.

Le désir très profond de devenir une moniale s’est représenté pour moi quand j’ai  vécu chez les sœurs, chez les Saint Charles à Charly à coté de Lyon, nous étions rentrés en France, mes parents se sont séparés et je suis allée chez les sœurs de Saint Charles. Et là j’ai eu envie de devenir sœur : la cloche qui sonnait le matin, les sœurs qui marchaient dans les couloirs en silence... j’étais passionnée et je voulais vraiment devenir sœur. Et Maman m’a dit « Tu es faite pour être une maman, pas une moniale » Et quand on est petit on croit beaucoup ce que disent les parents. Donc plus tard, j’ai rencontré mon futur mari, puis je me suis mariée, mais il n’avait pas de lien avec la spiritualité « officielle ». C’est un homme très spirituel, très généreux, mais qui n’allait pas à la messe par exemple, qui ne lisait les livres d’aucune tradition spirituelle. Donc j’ai pris l’habitude de ne pas aller à la messe, mais je n’ai pas voulu couper cet arbre, alors j’ai continué à avoir ma vie spirituelle intérieure très importante, sans la manifester à l’extérieur. Mais au moment de mon mariage, je dit à mon mari : « il faut que tu fasses très attention, tu épouses deux femmes : une religieuse authentique, elle est là, elle sera toujours là, et tu épouses une femme qui peut devenir maman, t’accompagner dans ta vie - il allait devenir médecin -, qui sera toujours à tes côtés, qui pourra recevoir du monde, sortir, etc. ça ne me gêne pas du tout, c’est la partie de ma maman et elle est bien développée en moi, j’en suis capable, mais tu dois savoir que tu épouses une religieuse. » Donc il faudra faire attention à moi.

Donc je n’avais pas quitté ce désir d’être religieuse et j’avais aussi prévenu mes enfants que si un jour dans le futur, quand ils seraient adultes, si leur papa venait à mourir ou qu’il me quittait, je leur demanderais la permission d’être religieuse. De toutes manières pour moi, être religieuse, c’était la moitié de mon corps et c’était une aspiration de petite fille. Voilà, je peux dire que j’accomplis mon deuxième destin. Mon premier destin, c’était d’être maman, avec des enfants, un mari et une vie sociale très développée ; et mon second destin n’était pas visible, mais il a toujours été là.